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Une action en hommage à Zouhair Yahyaoui
18 juillet 2014, par jectk79

Mon amie ne sait pas rediger un com sur un article. Du coup il voulais souligner par ce commentaire qu’il est ravi du contenu de ce blog internet.


Pourquoi aller tracer partout pour faire établir des évaluations de d’assurances familiales alors qu’existent des portails tels que Sherpa-mutuelle.fr proposant de rapprocher les propositions avec un comparateur mutuelle sophistiqué en restant votre demeure ? site => mutuelle obligatoire


Abderrazek Bourguiba condamné à 25 mois de prison
15 novembre 2011, par Bourguiba

je vous remercie
bourguiba abderrazak



Quelques points marquant contre l’environnement en Tunisie
6 novembre 2011, par xZNRpEkXvbSPvAf

I like to party, not look articles up online. You made it hpaepn.



Et puis y a eu la Révolution :)
1er novembre 2011, par liliopatra

On est mardi 1er novembre 2011, déjà neuf mois que ben ali s’est enfui et il est caché, comme un rat, en Arabie Saudite. Son collègue Gaddafi a été tué.
Après la lecture de cette lettre, tout cela parait être comme un cauchemar pour celles et ceux qui ne l’ont pas vécu personnellement. Cependant, le mal a sévi longtemps, beaucoup trop longtemps en Tunisie. Il est temps que ça change.
Tout un système policier qui s’effondre, la justice vient de renaître, certes encore fragile mais sera équitable insh’Allah.



Va chialer ailleurs ( reponse)
30 octobre 2011, par Maud

Oui il a un fils qui est mon meilleur ami et croyez moi, même si son père et loin de lui sa ne fait pas de lui un mauvais père il s’occupe très bien de lui et Selim va le voir de temps en temps. Je suis au cœur de cette affaire et je peux donc savoir les ressentis de chacun...



Va chialer ailleurs ( reponse)
30 octobre 2011, par Maud

ةcoutez quand on ne connait pas la personne on ne juge pas ! Je connais personnellement Monsieur Tebourski et je sais que c’est un homme bon, et je pense que si il a demander a rester en France c’est surtout pour son Fils !
Ne le jugez pas car vous ne le connaissez pas comme je le connais ! Je suis la meilleure amie de son fils Selim. Je sais qu’Adel est un homme bon alors arrêtez tous vos blabla et essayer donc de comprendre le fond de la chose. Merci et bonne soirée



> Une pétition de 86 prisonniers tunisiens
30 octobre 2011, par Moussa

the death of an African giant

Par : Y. Mérabet
En outre, contrairement à ce que pensent aujourd’hui de nombreux libyens, la chute de Kadhafi profite à tout le monde sauf à eux. Car, dans une Afrique où les pays de la zone subsaharienne riche en ressources minérales tournaient complètement le dos à la France pour aller vers la Chine, il fallait bien que monsieur Sarkozy trouve un autre terrain fertile pour son pays. La France n’arrive plus à vendre ses produits manufacturés ou de décrocher un marché en Afrique, elle risque de devenir un PSD C’est pour cela que l’on a vu une France prête à tout pour renverser ou assassiner Kadhafi ; surtout quand l’on sait que la Libye est l’une des premières réserves en Hydrocarbures d’Afrique et de Sebha est la capitale mondiale du trafic Franco-libyen de concentré d’uranium Nigérien. Egalement, l’on sait que jusqu’ici, les populations libyennes n’avaient rien à envier aux Français, ils vivaient richement mieux sans se suer. Puisque Kadhafi faisait tout son possible pour les mettre à l’abri du besoin. Il est donc temps pour les libyens de choisir pleinement futur partenaire occidental. Car si en cinquante ans de coopération la France n’a pu rien apporter à l’Afrique subsaharienne. Vat-elle apporter maintenant aux libyens un bonheur supérieur à celui que leur donnait leur Guide. Rien à offrir à ces ignorants de libyens, sauf des repas communs dans les poubelles de la ville Paris, en France c’est déjà la famine ? Lui, qui durant plusieurs décennies était l’un des faiseurs d’hommes les plus efficaces sur le continent Africain. De son existence, Kadhafi était le leader le plus généreux d’Afrique. Pas un seul pays africain ne peut nier aujourd’hui n’avoir jamais gouté un seul pétro –Dinar du guide Libyen. Aveuglement, et motivé par son projet des Etats-Unis d’Afrique, Kadhafi de son existence a partagé l’argent du pétrole libyen avec de nombreux pays africains, qu’ils soient Francophones, Anglophones ou Lusophones. Au sein même de l’union Africaine, le roi des rois d’Afrique s’était presque érigé en un bailleur de fond très généreux. Jusqu’à l’heure actuelle, il existe sur le continent de nombreux présidents qui ont été portés au pouvoir par Kadhafi. Mais, curieusement, même pas un seul de ces élèves de Kadhafi n’a jusqu’ici eu le courage de lui rendre le moindre hommage.Au lendemain du vote de la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU, certains pays membres de l’union africaine sous l’impulsion de Jacob Zuma ont tenté d’apporter un léger soutien au guide libyen. Un soutien qui finalement s’est éteint totalement sans que l’on ne sache pourquoi. Même l’union africaine qui au départ conditionnait avec amertume la prise du pouvoir libyen par un groupe de terroristes et la reconnaissance du CNT libyen constitués de traitres, s’est finalement rétracté de façon inexplicable. Et curieusement, jusqu’aujourd’hui, aucun gouvernement consensuel n’a été formé en Libye. Depuis l’annonce de l’assassinat de Mouammar Kadhafi, cette union africaine dont Mouammar Kadhafi était pourtant l’un des principaux défenseurs et ayant assuré le dernier mandat, n’a encore délivré aucun message officiel de condoléance à ses proches ou de regret. Egalement, même ceux qui hier tentaient de le soutenir n’ont pas eu le moindre courage de lever leur petit doigt pour rendre hommage à leur mentor. Jusqu’à l’heure actuel, seul l’ancien archevêque sud-africain et prix Nobel de paix Desmond TUTU a regretté cet acte ignoble. Même le président Abdoulaye Wade que l’on sait pourtant proche des révoltés libyens n’a pas encore salué la mort de l’homme qu’il souhaitait tant. Le lendemain de sa mort, un vendredi pas un musulman n’a prié pour lui ?.. A ce jour, sur le continent Africain, seul l’homme de la rue et les medias ont le courage de parler de cette assassina crapuleux du guide libyen. Mais, cette attitude des dirigeants africains ne surprend personne, dans la mesure où l’on sait que chaque président a peur de se faire remarquer par un Nicolas Sarkozy qui est capable de tout si la tête d’un président africain ou d’un arabe l’énerve.
Conclusion La Libye et l’Afrique toute entière viennent de tourner une page d’or avec la perte de Mouammar .
Traitre et maudit que je sois, si j’étais un libyen ?

Journaliste indépendant (Algérian Society for International Relations)
119, Rue Didouche Mourad
Alger centre



Liberté pour le Docteur Sadok Chourou
29 octobre 2011, par Dr. Jamel Tazarki

J’ai écrit un livre qui mérite d’être lu :
TOUT EST POSSIBLE - L’AVENIR DE LA TUNISIE
Vous pouvez télécharger le livre sur mon site Internet :
http://www.go4tunisia.de
Dr. Jamel Tazarki
Allemagne



DECES D’OMAR CHLENDI
28 octobre 2011, par bourguiba

Ma mére Térésa oui notre mére je suis abderrazak bourguiba le frére de mon meilleur ami Farouk .
vous peut etre me connait mais je pense pas que nous avont eu l’occasion de vous voir .

je suis désolé pour ce qui a passé pour mon frére Farouk .
Omar etait un homme exeptionnel un vrai homme j’ai passé avec lui 6 mois dans le prison nous étions plus que deux fréres.

soyez fiére de Farouk
et que la paradi soit pour lui



Projet libéral pour une nouvelle monarchie démocratique et laïque en Tunisie
22 octobre 2011, par Victor Escroignard

La Monarchie Constitutionnelle est l’avenir est la garantie des droits et libertés pour la Tunisie, la Libye et toute l’Afrique du Nord. Le Roi est l’âme du peuple, Il est porteur du sentiment d’unité nationale et du patrimoine historique du peuple. LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE EST LE PLUS SUR MOYEN POUR EVITER QU’UN PRESIDENT FINISSE UN JOUR EN DICTATEUR (voyez le cas du roi d’Espagne, sauveur des libertés après le Franquisme).



> Lotfi Hamdi, une Barbouze qui se voit ministrable
4 octobre 2011, par Anti Lotfi Hamdi

Bonjour Mesdames, Messieurs,

Je souhaite attirer votre attention sur le faite que ce Barbouze comme vous le dites, a retourné sa veste à l’instant où il s’est assuré du départ définitif du ZABA plus exactement le 18 Janvier 2011.

Mais encore ce dernier qui détient pas un seul titre comme auprès du RCD mais aussi faison parti de plusieurs association et surout la chambre Franco-Tunisienne de marseille ou il a volé récemment le portfolio pour se faire une nouvelle peau et une nouvelle virginité auprès de la Tunisie, avec un pseudo symposium tenue au pôle technologique sis à la Gazelle (Ariana).

Rappel du passé : Khaled Néji représentant de l’office de l’huile près du consulat générale de Tunisie à Marseille a été victime de sa (Stoufida).
Monsieur Kahled Néji a été limogé de son poste, radié de ses fonctions, décédés suite à une attaque cardiaque après avoir visité les prisons Tunisiennes

Je souhaite que cette personne n’intervienne plus sur le sol Tunisien afin de crée des réseaux encore pire qu’avant et revenir au pouvoir par la fenêtre.

Aidez moi à dire la vérité sur ce malheureux de la Sbikha (kairouan) qui fout la honte à son peuple.

Ce Virus, qui trompe sa femme sans scrupule ni honte. A trahit ce que nos ancêtres ont essayé de bâtir, bravour, fraternité dévouement, sincérité.

Il est et il sera toujours à l’antipode des Tunisiens , lèches botes et au plurielles

Vive la Tunisie sans hypocrites



Blog dédié à la défense du prisonnier politique Abderrahmane TLILI
4 octobre 2011, par bechim

bonjour je suis tres heureuse que mr tlili soit libere mais je n arrive pas avoir de nouvelles precises je tiens a dire que c est un MONSIEUR exceptionnel et qu il ne merite vraiment pas ce qu il a endure j aimerai pouvoir lui exprimer tte ma sympathie



> Tunisie, l’agression abjecte sur Samia Abbou par les voyous de Ben Ali
26 septembre 2011, par Liliopatra

Voilà quatre ans se sont écoulés et votre combat a porté ses fruits. J’aurais pas osé signer ces quelques mots par mon nom réel si vous n’avez pas milité pour ’ma’ liberté. Reconnaissante et le mot ne peut résumer ce que je ressens et tout le respect que je vous porte.

Merci...

Lilia Weslaty



> Les procès de l’ignorance et les progrés de l’Homme
24 septembre 2011, par a posteriori, l’auteur Nino Mucci

Les petits cons s’amusent à faire leurs graffitis imbéciles même sur les statues couvertes de prestige et d’histoire de Carthage ; on en a maintenant fini avec Ben Ali, avec la censure et l’étouffement des idées et de coeur opéré par son régime. Mais on en finira jamais avec l’idiotie des fondamentalistes islamiques qui promenent leurs femmes en burka, parce que c’est la seule façon par laquelle savent voir une femme : comme une bête dangeureuse. On en finira pas facilement, terrible dictature, avec ceux qui demandent maintenant de couper les mains, les jambes et les bras, suivant l’obsolète loi coranique, sans se faire aucun souci de l’Homme. Jésus, le Christ en est le plus grand champion, le Rédempteur de l’humanité, Lui qui a porté la Croix pour nous TOUS ; quant à la mafia et à al-Capone, nous les plaçerons comme un héritage historique de cet islam que tant s’acharnent à défendre par l’ignorance (mafia vient de l’arabe dialectal anciene "mafiah", c’est-à-dire "protection", la mafia est nait et c’est culturellement radiquée dans une ancienne terre d’islam, la Sicile)



que dieu te glorifie.
23 août 2011, par adyl

j’ai aimé ce que vous pensé . suis de ton coté. tu me trouvera a l’appui



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par Rédaction de reveiltunisien.org
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14 janvier 2011

Des milliers de Tunisiens exigent le départ de Ben Ali
par Rédaction de reveiltunisien.org
Source Le Monde LEMONDE.FR avec AFP et (...)

14 janvier 2011

Génération Ben Ali
par Rédaction de reveiltunisien.org
Liberté et Equité : Tunis, le 13 janvier 29 (...)

14 janvier 2011

Tunisie, Hamma Hammami enlevé par les flics de Ben Ali
par Rédaction de reveiltunisien.org
Révolte / mercredi 12 janvier par Nicolas Beau (...)

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Vivre sous la dictature
Tunisie : Liberté d’opinion et d’expression
Rapport de l’ONU
par Rédaction de reveiltunisien.org
5 mai 2004

Liberté d’opinion et d’expression, rapport du Rapporteur spécial

(E/CN.4/2000/63, par. 11, 16, 17, 182 ; E/CN.4/2000/63/Add.4)

Le Rapporteur spécial (RS) a effectué une mission en Tunisie du 6 au 10 décembre 1999. Le rapport qu’il a rédigé sur sa mission contient des informations sur notamment ceci : les obligations internationales et la législation nationale, les médias, la liberté de publication et d’édition, les organes de radiodiffusion et les nouvelles technologies, l’absence de pluralisme politique, le pouvoir judiciaire, les atteintes à la liberté d’association et à toute forme d’expression d’opinions divergentes, la situation des femmes. L’annexe contient une liste des personnes avec lesquelles le RS eu des entretiens.

Le RS signale que la Tunisie a accédé au statut de membre associé de l’Union européenne à la suite de la conclusion d’un accord entré en vigueur en mars 1998. Aux termes de l’article 2 de cet accord, qui prévoit le démantèlement progressif des obstacles douaniers entre les deux parties, la Tunisie s’est clairement engagée à respecter les principes démocratiques communément admis et les droits de l’homme. Le rapport fait également remarquer que la Tunisie a accepté toute une série d’obligations découlant d’instruments internationaux, en particulier la Convention contre la torture, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, la Tunisie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais elle n’a pas ratifié ses deux protocoles facultatifs. Ce pays a également ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui stipule que toute personne a le droit à l’information. La Constitution accorde aux conventions internationales dûment ratifiées une primauté juridique sur les lois nationales.

La partie du rapport qui examine la législation nationale et les institutions ayant une incidence sur l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression fait état des lois et institutions suivantes : les garanties constitutionnelles au chapitre des libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association ; le Conseil constitutionnel, créé en décembre 1987 ; le Code de la presse, promulgué en 1975 et révisé en 1993 ; le Conseil supérieur de la communication, créé en janvier 1889 ; la Loi de mai 1988, qui réglemente les partis politiques ; la Loi relative au financement des partis politiques ; la Loi sur les associations de novembre 1959, qui a fait l’objet de deux révisions ; le Code du travail de 1966 ; le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, institué en 1991 pour protéger et garantir les droits de l’homme sur le plan national.

Parmi les principales constatations et préoccupations résultant de la mission, on relève notamment les suivantes : la presse tunisienne semble à première vue diversifiée mais elle est caractérisée par une uniformité de ton, exposant les actualités nationales de manière constamment positive ; l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP), une entreprise publique, détiendrait un monopole sur une grande partie de l’actualité nationale ; la marge de manœuvre des journaux privés est largement déterminée par la publicité ; l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), d’origine étatique, est chargée de donner son agrément non seulement à toute collecte d’annonces publicitaires sur le marché tunisien par un support étranger, mais également pour les annonces publicitaires des ministères et entreprises publiques dans la presse nationale ; la répartition de ces annonces publicitaires par l’ATCE se ferait de manière sélective et contribuerait à inciter les journaux à être moins critique vis-à-vis du gouvernement. Le rapport fait également remarquer que la législation tunisienne ne prévoit aucune forme de censure officielle mais que, dans la pratique, les articles politiquement sensibles seraient préalablement adressés au ministère de l’Intérieur ; les pressions peuvent prendre des formes plus draconiennes avec la persécution de certains journalistes (par ex. : menaces anonymes au téléphone, surveillance policière) ; l’actuel Code de la presse joue un rôle prohibitif qui contribue à entretenir censure et autocensure dans les rédactions des journaux du pays ; environ 800 titres proviennent de pays étrangers, mais il semblerait que peu de correspondants étrangers seraient restés à Tunis en raison des pressions exercées à leur encontre. Le rapport souligne que la diffusion des publications étrangères est à l’entière discrétion du ministère de l’Intérieur - ainsi le quotidien français La Croix serait totalement interdit de diffusion et les quotidiens français Le Monde et Libération auraient été saisis plusieurs fois.

En outre, le RS signale notamment ce qui suit : en principe, la liberté de publication et d’édition ne subit aucune entrave puisqu’aucune autorisation préalable n’est exigée ; cependant, le dépôt légal prévu par le chapitre I du Code de la presse serait, dans la plupart des cas, utilisé pour empêcher toute publication non désirée ; la commission de lecture, organe qui siège à la Bibliothèque nationale, constitue également un frein à la liberté d’édition car elle intervient lors de la publication de tous les livres ou de tout autre matériel s’adressant au public ; la Commission des achats, organe intégré au ministère de la Culture, se réunit deux fois par an et passe en revue tous les manuels et les publications déposés par les éditeurs tunisiens. D’autre part, l’Institut arabe des droits de l’homme basé à Tunis, soutenu par le HCDH, qui a pour mission de promouvoir les droits de l’homme dans la région arabe, a vu certaines de ses publications censurées ; les organes de radiodiffusion sont caractérisés par une forte influence étatique sur leur mode de fonctionnement et leurs programmes ; France 2 aurait été amputée durant des années du journal télévisé puis complètement suspendue depuis le 25 octobre 1999 après la diffusion de programmes et d’informations critiques lors de la dernière campagne électorale ; à plusieurs reprises, la diffusion de la Rai Uno aurait également été interrompue pendant quelques mois à la suite de la diffusion de critique à l’encontre de la politique tunisienne ; du point de vue technique et commercial, la Tunisie a largement adopté les nouvelles technologies mais de nombreuses restrictions s’appliquent encore à celles-ci (par ex. : antennes paraboliques).

S’agissant de l’Internet, le RS note ceci : en 1996, l’Agence tunisienne Internet (ATI) a été créée afin de promouvoir les nouveaux modes de communication ; en 1997, elle est devenue un opérateur public avec sous sa tutelle deux sociétés privées assurant le branchement des abonnés à des prix de plus en plus bas ; certaines adresses Internet ont été verrouillées en permanence, en particulier des sites de courrier électronique, les sites d’ONG comme Amnesty International, le Comité pour la protection des journalistes, la Fédération internationale des droits de l’homme et Reporters sans frontières, ou encore les sites de journaux et d’hebdomadaires français tels que Le Monde, Libération et Le Nouvel Observateur ; la législation restrictive du Code de la presse sur le plan de la responsabilité du contenu serait applicable à l’Internet, en vertu d’un décret du 22 mars 1997. Enfin, les opérateurs d’Internet devraient soumettre chaque mois au gouvernement la liste des abonnés au service.

Le RS fait état d’autres préoccupations concernant la promotion et le respect du droit à la liberté d’opinion et d’expression, notamment les suivantes : bien qu’il existe une opposition légale, celle-ci ne bénéficierait dans les faits que de peu d’autonomie d’action face au pouvoir exercé par le Rassemblement Constitutionnel Démocratique RCD, le parti au pouvoir, sur les différentes structures de l’ةtat ; les partis politiques auraient des difficultés à s’organiser librement ; s’agissant de la couverture médiatique des partis d’opposition, il semblerait que l’accès aux médias, surtout à la télévision, soit très limité ; il existe des journaux d’opposition, mais en fait le manque de crédibilité du discours de ces partis et l’absence de toute critique constructive auraient contribué à affaiblir leur tirage et à les mettre dans une situation financière difficile. Par ailleurs, la tâche des avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme serait rendue de plus en plus difficile en raison des restrictions imposées à leurs activités dans la défense de leurs clients, par exemple des difficultés pour obtenir des copies de documents judiciaires et la pratique d’accorder des permis de visite qui sont refusés le jour où les avocats se rendent à la prison. En outre, certains avocats seraient victimes de harcèlement (saccage de leur cabinet, restrictions à la liberté de mouvement).

Au chapitre des atteintes à la liberté d’association et à toute forme d’expression d’opinions divergentes, le rapport fait notamment état de ce qui suit : il est pratiquement impossible de créer de nouvelles associations indépendantes ; la Loi de 1959 relative aux associations accorde des pouvoirs exorbitants au ministre de l’Intérieur et prévoit des sanctions pénales sévères contre toute personne accusée d’appartenir à une association non constituée légalement ; le travail quotidien de certaines organisations serait constamment surveillé par la police ; les dirigeants de certaines organisations seraient la cible de différentes méthodes de harcèlement et d’intimidation qui visent à les convaincre d’abandonner leurs activités ; les personnes qui souhaitent entrer en contact avec ces organisations sont souvent victime de harcèlement de la part des forces de sécurité ; selon les sources, la confiscation de la correspondance, mais aussi les communications téléphoniques sous écoute et les télécopies interceptées constitueraient une entrave importante à l’exercice des activités quotidiennes de ces ONG ; la confidentialité des informations transmises par des personnes victimes de violations, mais aussi le droit à la protection privée seraient constamment transgressés ; les articles 20 et 21 du Code de la poste prévoient la saisie de toute correspondance portant atteinte à l’ordre public et à la sécurité nationale. Par ailleurs, on constate l’existence d’un syndicat unique, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) - même si la législation en la matière est assez libérale ; le règlement prévoit que toutes les grèves doivent être autorisées par l’UGTT. De plus, divers ministères (enseignement supérieur, tourisme) auraient émis des circulaires imposant, pour toute manifestation sociale, que la liste des participants et une copie des interventions soient soumises au préalable au ministère de l’Intérieur.

Pour ce qui est de la situation de la femme, le rapport signale que les femmes ont commencé à faire des progrès modestes au sein des instances dirigeantes ; le Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (CREDIF) a inscrit le thème des femmes dans les médias à son programme d’activités afin de former les journalistes pour les sensibiliser au traitement des sujets concernant la femme ; les femmes doivent avoir encore davantage de pouvoir dans la vie publique et y participer en plus grand nombre ; du fait qu’elles ne bénéficient pas de l’appui du gouvernement, certaines associations souffrent d’un manque de reconnaissance de leurs activités, voire d’entrave dans leur travail (notamment l’Association tunisienne des femmes démocrates). De nombreux cas de harcèlement dans la vie privée des femmes auraient été relevés, ce qui équivaut à des violations des normes fondamentales de la décence humaine ; des femmes et autres parents d’opposants en détention ou en exil auraient été victimes d’actes de torture et autres traitements inhumains ou dégradants soit chez elles, soit dans des postes de la police ou de la Garde nationale ou encore au ministère de l’Intérieur.

Le Rapporteur spécial recommande notamment au gouvernement :

de considérer positivement les demandes de visite présentées par deux autres rapporteurs de la Commission : le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur la torture ; de renforcer l’autonomie et l’indépendance des institutions existantes de défense des droits de l’homme, notamment du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; d’envisager la création d’une commission des droits de l’homme distincte et autonome, qui agirait de manière indépendante de toute autre autorité étatique ou ministère fonctionnant au sein du Gouvernement ; de modifier les dispositions du Code de la presse relatives à la diffamation de manière à ce que ce délit ne soit plus passible de peines d’emprisonnement et de redéfinir la notion de délit de presse ; de modifier la Loi sur les partis politiques afin de promouvoir la création de nouveaux partis, favorisant ainsi le développement d’un véritable pluralisme politique ; d’adopter des dispositions favorisant l’accès des partis aux médias ; d’assouplir la Loi sur les associations de façon à créer un environnement favorable à l’épanouissement de la société civile ; de garantir l’indépendance et le bon fonctionnement des structures associatives et professionnelles existantes, en particulier dans le domaine des droits de l’homme et dans celui des médias ; de prendre toutes les mesures nécessaires pour ratifier les deux protocoles facultatifs du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; d’adopter une nouvelle loi sur l’information de manière à favoriser l’accès du citoyen à l’information, notamment en ce qui concerne les représentants de l’ةtat et leurs activités officielles ; d’envisager la création d’un conseil de la presse indépendant des structures étatiques et du système judiciaire vers lequel les journalistes, mais aussi le public pourraient se tourner pour soumettre des plaintes, demander conseils et obtenir des sanctions ; d’envisager la création d’une instance indépendante pour traiter de sujets intéressant les médias comme la propriété des journaux, le prix du papier et du matériel d’impression, la répartition équilibrée de la publicité et le soutien aux journaux en difficulté ; de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer l’autonomie de l’ةtablissement de la radiodiffusion télévision tunisienne de manière à lui assurer une certaine indépendance par rapport au pouvoir en place et d’encourager la création de chaînes de télévision privées concurrentes ; de supprimer les restrictions sur les journaux étrangers et sur la diffusion de programmes de chaînes étrangères ; de mettre un terme à toute restriction concernant les nouvelles technologies, en particulier l’Internet ; d’éliminer toute entrave à la production intellectuelle et artistique en supprimant toutes les mesures de censure directes ou indirectes qui auraient un effet inhibant ; de réexaminer les cas de personnes détenues pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression, en vue de leur remise en liberté ; de mettre un terme à l’intimidation et au harcèlement dont feraient l’objet les personnes qui cherchent à exercer leur droit à la liberté d’opinion et d’expression, en particulier les défenseurs des droits de l’homme, les opposants politiques, les syndicalistes, les avocats et les journalistes ; d’ouvrir des enquêtes sur les actes de violences commis et de traduire les responsables en justice ; d’ouvrir, par l’intermédiaire d’un organe indépendant, une enquête pour examiner les cas d’allégations de harcèlement des épouses et proches de détenus ou de personnes soupçonnées d’activités politiques illégales ; d’encourager le développement d’organisations autonomes féminines ; de renforcer le bon fonctionnement des organisations indépendantes existantes.


NATIONS UNIES

Distr.

GةNةRALE

E/CN.4/2000/63/Add.4

23 février 2000

Original : FRANاAIS


COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME Cinquante-sixième session Point 11 c) de l’ordre du jour provisoire

DROITS CIVILS ET POLITIQUES ET NOTAMMENT LA QUESTION DE LA LIBERTE D’EXPRESSION

Rapport de M. Abid Hussain, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression

Rapport sur la mission en Tunisie

TABLE DES MATIبRES

Paragraphes Page

Introduction ...................................................................................................................................... 1 - 6 3

I. OBSERVATIONS GةNةRALES ET CADRE JURIDIQUE...................................................... 7 - 22 4

A. Observations générales................................................................................................... 7 - 10 4

B. Cadre juridique.................................................................................................................. 11 - 22 4

1. Obligations internationales................................................................................... 12 - 13 5

2. Législation nationale ............................................................................................. 14 - 22 5

II. PRINCIPALES CONSTATATIONS ET PRةOCCUPATIONS............................................... 23 - 79 7

A. Les médias......................................................................................................................... 23 - 48 7

1. La presse écrite........................................................................................................ 23 - 37 7

2. La liberté de publication et l’édition..................................................................... 38 - 41 10

TABLE DES MATIبRES (suite)

3. Les organes de radiodiffusion et les nouvelles

technologies............................................................................................................ 42 - 48 11

B. Autres préoccupations concernant la promotion et le

respect du droit à la liberté d’opinion et d’expression................................................. 49 - 75 13

1. L’absence de pluralisme politique......................................................................... 49 - 60 13

2. Le pouvoir judiciaire............................................................................................... 61 - 65 15

3. Les atteintes à la liberté d’association et à toute forme

d’expression d’opinions divergentes.................................................................... 66 - 75 16

C. La situation des femmes.................................................................................................. 76 - 79 19

III. CONCLUSIONS............................................................................................................................. 80 - 89 20

IV. RECOMMANDATIONS.............................................................................................................. 90 - 102 22

Annexe : Personnes avec lesquelles le Rapporteur spécial s’est entretenu................................... 25

pendant sa mission

Introduction

1. Le présent rapport a été établi conformément à la résolution 1999/36 de la Commission des droits de l’homme, du 26 avril 1999. Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Abid Hussain, présente et analyse les renseignements recueillis lors de sa mission en Tunisie du 6 au 10 décembre 1999, ainsi que des renseignements reçus de particuliers et d’organisations non gouvernementales concernant des allégations de violations du droit à la liberté d’opinion et d’expression.

2. Par une lettre du 4 décembre 1997, adressée à la Mission permanente de la Tunisie auprès des Nations Unies à Genève, le Rapporteur spécial a demandé, conjointement avec le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, l’autorisation d’effectuer une visite en Tunisie. Le 21 juin 1999, le Gouvernement tunisien a donné son accord pour la mission du Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression.

3. Le Rapporteur spécial tient à exprimer sa gratitude au Gouvernement tunisien pour la coopération dont il a bénéficié dans l’exercice de son mandat. Il tient à exprimer sa reconnaissance tout particulièrement au Ministre des affaires étrangères et à ses collaborateurs, qui ont contribué au succès de sa mission. Il remercie également le Représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement à Tunis et son personnel pour l’efficacité avec laquelle ils ont organisé son séjour.

4. Le Rapporteur spécial a rencontré des représentants du Gouvernement ainsi que des membres du Parlement et de la magistrature. Il s’est également entretenu avec des représentants d’organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine des droits de l’homme, des écrivains, des professionnels, des médias, des témoins ou victimes de violations présumées des droits de l’homme, et d’autres membres de la société civile intéressant son mandat.

5. La liste des personnes que le Rapporteur spécial a rencontrées figure en annexe au présent rapport. Il convient de noter que cette liste n’est pas exhaustive, le Rapporteur spécial ayant eu l’occasion d’avoir de nombreux autres entretiens au cours de sa visite. Il tient à remercier tous ses interlocuteurs pour les généreux efforts qu’ils ont accomplis en vue de l’aider au cours de sa mission.

6. Il convient de noter que le Rapporteur spécial n’a pu rendre visite à aucun des détenus de la prison du Neuf-Avril à Tunis, comme il l’avait demandé, aucune réponse officielle du Gouvernement ne lui étant parvenue. Il faut toutefois dire que malgré une demande tardive, le Gouvernement a permis au Rapporteur spécial de rencontrer Mohammed Mouadda qui était placé en résidence surveillée et sous surveillance policière ; le Rapporteur spécial a pu s’entretenir librement avec lui pendant une heure et demie. La levée des restrictions contre M. Mouadda, consécutive à cette visite, renforce la conviction que les frontières de la liberté en Tunisie pourrait s’étendre bien au-delà de ce qu’on pourrait espérer à l’heure actuelle.

I. OBSERVATIONS GةNةRALES ET CADRE JURIDIQUE

A. Observations générales

7. Depuis son accession à l’indépendance en 1954, la Tunisie s’est engagée dans des réformes d’ampleur pour moderniser son économie, renforcer le progrès social et accorder une priorité à l’éducation. Quarante-cinq ans plus tard, le bilan est très positif, la Tunisie se caractérisant dans la région par sa stabilité politique et économique, ainsi que pour ses succès dans le domaine de l’émancipation de la femme et dans la lutte contre la pauvreté. Elle a établi quelques programmes crédibles comme celui portant sur le Fonds de solidarité nationale 26.26 qui vise un plus grand progrès économique et social de ses habitants.

8. Un succès supplémentaire pour la Tunisie tient à son accession au statut de membre associé de l’Union européenne, suite à l’accord signé le 17 juillet 1995 qui est entré en vigueur le 1er mars 1998. Aux termes de l’article 2 de cet accord, qui prévoit un démantèlement progressif des obstacles douaniers entre les deux parties, la Tunisie s’est clairement engagée à respecter les principes démocratiques communément admis et les droits de l’homme.

9. La Tunisie fait cependant l’objet d’un nombre grandissant de critiques provenant de certains milieux, qui affirmant qu’en dépit des engagements que le président Zine El Abidine Ben Ali a pris dans ses discours des 10 octobre et 15 novembre 1999 en faveur de la réforme du Code de la presse, les droits les plus élémentaires concernant la jouissance effective de la liberté d’opinion et d’expression sont continuellement restreints. Il est soutenu que bien que l’ةtat, d’un côté, appuie l’idée de promouvoir et de garantir les droits de l’homme, de l’autre, il bafoue ces droits sous prétexte de maintenir la stabilité et l’ordre dans la société. Bien que l’on ne doive pas présumer que la mise en place d’un ordre libéral fondé sur la liberté d’expression et d’opinion est chose facile pour un pays en développement, le Rapporteur spécial est d’avis que pour un pays comme la Tunisie, qui a atteint un certain degré de développement social, il ne devrait pas être difficile de gérer les exigences contradictoires de stabilité et de liberté d’une façon plus libérale.

10. La Tunisie, qui a ratifié un nombre de conventions internationales relatives aux droits de l’homme, a adopté certaines mesures qui laissent percevoir une réelle volonté politique de changement. Ainsi, l’éducation en matière de droits de l’homme a été introduite dans les cursus primaire, secondaire et universitaire, de même que dans les programmes de formation destinés aux auditeurs de justice et aux magistrats, mais aussi aux journalistes. Ces dernières années, des départements spécialisés dans les droits de l’homme ont également été créés dans les principaux ministères (affaires étrangères, justice, intérieur). Un pas de plus a été effectué récemment avec la suppression du Ministère de l’information en octobre 1997 et la création d’un ministère à part entière dédié aux droits de l’homme, à la communication et aux relations avec le Parlement.

B. Cadre juridique

11. Le Rapporteur spécial examine ici brièvement certains aspects du cadre juridique international et national régissant la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression en Tunisie.

1. Obligations internationales

12. La Tunisie a accepté toute une série d’obligations découlant d’instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme, en particulier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En revanche, si la Tunisie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, elle n’a pas ratifié ses deux protocoles facultatifs, le premier se rapportant au droit des particuliers à présenter des plaintes au Comité des droits de l’homme et le second visant à abolir la peine de mort. La Tunisie a également ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples par la loi du 6 août 1982 dont l’article 9 garantit que "toute personne a le droit à l’information".

13. Dans son article 32, la Constitution accorde aux conventions internationales dûment ratifiées une primauté juridique sur les lois nationales. Il résulte de ce principe qu’en cas de contradiction entre un traité et la législation interne, c’est le traité qui a force de loi. De même, les traités sont directement applicables dans la législation interne par les magistrats et les administrations chargées de leur application.

2. Législation nationale

a) La Constitution

14. L’article 8 de la Constitution du 1er juin 1959 dispose que "les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi". Selon ce même article 8, les partis politiques doivent respecter les droits de l’homme et ne peuvent appuyer leurs principes, objectifs, activités ou programmes sur des considérations de religion, de langue, de race, de sexe ou de région.

15. Un Conseil constitutionnel a été créé par décret le 16 décembre 1987 puis ses attributions ont été incluses dans le texte de la Constitution en 1995 dans son chapitre IX. Cette institution est chargée de veiller à la constitutionnalité des lois et ses avis sont devenus depuis 1998 opposables à tous les pouvoirs et à toutes les autorités publiques. La saisine du Conseil est obligatoire pour tous les projets de lois relatifs aux droits et aux libertés fondamentales du citoyen. Cependant, le Conseil constitutionnel demeure un organe consultatif dont la saisine est du ressort du Chef de l’ةtat, à l’exclusion d’autres organes gouvernementaux ou parlementaires et du citoyen tunisien.

b) Législation régissant la presse et les autres médias

16. Le Code de la presse, promulgué par la loi du 28 avril 1975, prévoit dans son article 49 que la publication, la diffusion ou la reproduction de fausses nouvelles qui pourraient troubler l’ordre public seront punis d’une peine d’amende et de peines d’emprisonnement de deux mois à trois ans. La diffamation, prévue à l’article 51, est punissable d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une peine d’amende. Le Code de la presse a été révisé à deux reprises, en 1988 et en 1993. Ces amendements portaient essentiellement sur les dispositions relatives au dépôt légal et l’article premier garantit désormais "la liberté de la presse, de l’édition, de l’impression, de la distribution et de la vente des livres et des publications", élargissant ainsi le champ d’application du Code de la presse. Dans son nouvel article 44, la sanction a été prévue pour les auteurs d’incitation à la haine entre les races, à tous ceux qui auront propagé des opinions fondées sur la ségrégation raciale ou sur l’extrémisme religieux.

17. Le statut de la presse étrangère est également défini par le Code dans ses articles 24 et 25. Ainsi "la publication, l’introduction et la circulation en Tunisie des oeuvres étrangères, périodiques ou non, pourront être interdites par décision du Ministère de l’intérieur, sur avis du Secrétaire d’ةtat auprès du Premier Ministre chargé de l’information".

18. Créé le 30 janvier 1989, le Conseil supérieur de la communication est un organe consultatif auprès de la Présidence de la République qui est chargé d’étudier et de proposer les mesures visant à contribuer à l’élaboration de la politique générale en matière de communication. Composé de 15 membres, il ne peut cependant être saisi par les professionnels ou le public.

c) Autres lois et institutions ayant une incidence directe sur l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression

19. Une loi, promulguée le 3 mai 1988, organise les partis politiques, notamment leur constitution qui est subordonnée à une autorisation accordée par arrêté du Ministère de l’intérieur. Les décisions du Ministre sont susceptibles d’un recours judiciaire. Une loi relative au financement des partis politiques adoptée le 21 juillet 1997 prévoit l’octroi de primes aux seuls partis politiques représentés à la Chambre des députés ou si des députés adhèrent ultérieurement à ces partis.

20. La loi sur les associations du 7 novembre 1959 a fait l’objet de deux réformes dont l’une ouvre la possibilité de recours judiciaire à l’encontre des décisions du Ministre de l’intérieur en matière de création et de dissolution d’une association. Selon les termes de cette loi, une demande d’agrément déposée au gouvernorat en échange d’un récépissé est nécessaire pour créer une association. Le Ministère de l’intérieur peut dans un délai de trois mois prendre une décision de refus de la constitution de l’association.

21. La création et le fonctionnement des syndicats sont régis par le Code du travail de 1966 qui ne les soumet à aucune exigence d’autorisation préalable.

22. En 1991 a été créé un organe important visant à protéger et garantir les droits de l’homme sur le plan national : le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, organe consultatif auprès de la Présidence de la République. Le Comité, dont les membres sont nommés par décret présidentiel, assiste le Président de la République en donnant notamment son avis sur des questions concernant les droits de l’homme et en réalisant des études dans ce domaine. Cette institution peut également recevoir des plaintes de particuliers relatives à des manquements dans le domaine des droits de l’homme.

II. PRINCIPALES CONSTATATIONS ET PRةOCCUPATIONS

A. Les médias

1. La presse écrite

23. A l’heure actuelle, on dénombre environ 180 périodiques nationaux en arabe, en français ou dans les deux langues et huit titres d’information politique. La presse tunisienne semble à première vue diversifiée avec la cohabitation de médias officiels, d’une presse privée et d’organes de partis. Aux côtés des quotidiens progouvernementaux La Presse de Tunisie et Essafah et des deux organes du parti au pouvoir El Horrya et Le Renouveau, les trois quotidiens privés sont Essabah (Le Matin), Le Temps et Echourouk (L’Aurore). La presse privée comprend également une dizaine d’hebdomadaires.

24. En dépit de cette diversité, le Rapporteur spécial a constaté que la presse tunisienne se caractérise par son uniformité de ton, exposant les actualités nationales de manière constamment positive. Elle hésite à critiquer la politique gouvernementale et demeure pauvre en informations et analyses concernant des sujets qui ne sont pas au goût du Gouvernement, comme la violation des droits de l’homme ou qui pourraient souiller l’image de marque de la Tunisie. Au vu des allégations reçues, le Rapporteur spécial tient à soulever ci-dessous certains points qu’il considère comme préoccupants au regard de l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression.

a) Source d’information unique

25. Le Rapporteur spécial a appris que l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP), une entreprise publique, détiendrait un monopole sur une grande partie de l’actualité nationale. C’est elle qui transmettrait aux médias l’essentiel de l’information officielle et jouerait le rôle de filtre afin d’éviter les sujets qui sont tabous.

b) Financement des journaux et publicité

26. La marge de manoeuvre des journaux privés tunisiens étant largement déterminée par la publicité, c’est l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), d’origine étatique, qui est chargée de donner son agrément non seulement à toute collecte d’annonces publicitaires sur le marché tunisien par un support étranger, mais également pour les annonces publicitaires des ministères et entreprises publiques dans la presse nationale. Le Rapporteur spécial a été informé que la répartition de ces annonces publicitaires par l’ATCE se ferait de manière sélective et contribuerait à inciter les journaux à être moins critique vis-à-vis du Gouvernement.

c) Censure par les pouvoirs publics et autocensure

27. Le Rapporteur spécial note que la législation tunisienne ne prévoit aucune forme de censure officielle mais que, dans la pratique, plusieurs formes d’incitations et de pressions d’intensité variable seraient exercées sur les journalistes pour les encourager à écrire des articles conformes à la politique gouvernementale, ce qui équivaut à une forme subtile d’orientation. Ces pressions peuvent se traduire, par exemple, par un simple coup de téléphone passé à la rédaction d’un journal pour s’assurer qu’une certaine direction sera donnée aux nouvelles et analyses. Avant leur publication, les articles politiquement sensibles seraient préalablement adressés au Ministère de l’intérieur. Mais les journalistes devanceraient souvent les ordres et, à ce titre, l’autocensure prévaudrait dans les rédactions.

28. Ces formes d’interventions contribueraient ainsi à filtrer tous les articles et ouvrages qui personnalisent le sujet et ceux qui seraient peu flatteurs pour le Gouvernement. Les sujets concernés ne sont pas seulement politiques mais également culturels. Ainsi, le célèbre compositeur Mohamed Guerfi a été poursuivi pour diffamation par le Ministère de la culture pour avoir, pendant l’été 1998, critiqué dans un article du quotidien El-Sabah la politique culturelle et le gaspillage des fonds publics.

29. Les pressions pourraient prendre des formes plus draconiennes avec la persécussion de certains journalistes. C’est le cas de Taoufik Ben Brik, correspondant du journal français La Croix, qui depuis plusieurs années ferait l’objet de pressions diverses : menaces anonymes au téléphone, coupures de ses lignes téléphonique et de fax, surveillance policière, voiture vandalisée, injures et pressions lors d’interrogatoires au Ministère de l’intérieur, harcèlement de sa famille, etc. Encore récemment, le 20 mai 1999, il aurait été agressé dans la rue par des policiers en civil qui l’auraient violemment frappé. En effet, M. Ben Brik est l’un des rares journalistes basé en Tunisie à écrire des articles qu’il publie ensuite en France et en Suisse critiquant la situation politique en Tunisie, en particulier les atteintes à la liberté d’opinion et d’expression.

30. Le cas de Sihem Bensedrine, éditrice et militante des droits de l’homme, a également été porté à l’attention du Rapporteur spécial. En effet, outre les diverses pratiques de harcèlement dont elle a été victime ces dernières années (atteinte à sa réputation en faisant circuler un album de photos montées, sabotage de sa voiture, surveillance policière permanente), le siège de sa maison d’édition "Aloès" aurait été cambriolé par deux fois en décembre 1999 par des individus présumés membres de la police politique et tout son matériel informatique aurait été emporté.

31. Le Rapporteur spécial a été informé que les mesures draconiennes prises contre les journalistes tireraient leur origine de la décision prise dès 1990 de mettre au pas le terrorisme religieux, mesures qui atteignirent leur apogée vers 1991 et 1992. Auparavant, la presse aurait même bénéficié d’une plus grande liberté et deux journaux de l’opposition non reconnue étaient même autorisées à paraître : Al-Fajr, porte-parole officieux du mouvement islamiste Ennahda, et Al Badil, organe du Parti ouvrier communiste tunisien (POCT ; extrême gauche). Depuis la condamnation de leurs deux rédacteurs en chef, ces deux journaux ont été interdits. D’autres journaux indépendants auraient également disparu comme Le Phare, Al-Raï et Le Maghreb.

32. Deux journalistes d’obédience islamiste sont encore emprisonnés pour "complot islamiste" depuis 1992 : Hamadi Jebali, directeur de l’hebdomadaire Al Fajr, organe officieux du mouvement islamiste Ennahda, et Abdellah Zouari, également collaborateur d’Al Fajr, ont respectivement été condamnés à 16 ans et 11 ans de prison. Interrogées sur ces deux cas lors d’un entretien avec le Rapporteur spécial, des personnes proches du pouvoir ont affirmé que ces deux journalistes avaient été condamnés pour leur appartenance à une organisation terroriste et pour avoir participé à des actions violentes. L’ةtat, d’après ces sources, devait prendre des mesures pour surmonter le traumatisme du fanatisme religieux. Or d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, aucune preuve contre ces deux personnes n’aurait été présentée en ce sens lors du procès, laissant l’impression que leur détention n’était due qu’à leurs activités dans le cadre du journal Al Fajr. Au moment de sa condamnation, M. Jebali venait d’ailleurs de purger une peine d’un an de prison, pour avoir publié un article critiquant le système des tribunaux militaires.

d) Code de la presse restrictif

33. Le Rapporteur spécial est convaincu que l’actuel Code de la presse joue un rôle prohibitif qui contribue à entretenir censure et autocensure dans les rédactions des journaux tunisiens. Le Président Ben Ali lui-même, dans ses discours d’octobre et novembre 1999, estimait une réforme du Code de la presse nécessaire pour "réfréner le réflexe d’autocensure" et s’engageait à ce que cette réforme soit bientôt soumise à la Chambre des députés. Les autorités tunisiennes que le Rapporteur spécial a rencontrées, en particulier le Ministre de la justice, se sont toutes montrées favorables à cette réforme, notamment pour la révision de l’article concernant la diffamation. Elles se sont également engagées à ouvrir une grande consultation avec tous les secteurs intéressés (journalistes, intellectuels, spécialistes des médias, professeurs). Le Rapporteur spécial soutient à cet égard que les problèmes devraient être considérés sous tous leurs angles de crainte qu’on n’atteigne le contraire du but recherché.

34. Selon le Rapporteur spécial, les faiblesses et insuffisances du Code de la presse de 1975 se situeraient tout d’abord dans l’article 13 qui prévoit qu’une déclaration doit être déposée auprès du Ministère de l’intérieur avant la publication de tout périodique. L’intéressé recevra en retour un récépissé, sans lequel le périodique ne peut passer à l’impression. De nombreux cas ont été portés à l’attention du Rapporteur spécial faisant état de déclarations déposées auprès du Ministère de l’intérieur et qui n’ont pas obtenu de récépissé. Par conséquent, le déclarant n’a ni la preuve du dépôt, ni la décision de refus ; il peut donc difficilement attaquer l’administration en justice. L’éditrice Sihem Bensédrine a ainsi déposé une déclaration de publication d’un périodique, Kalima (Parole), le 16 novembre 1999, mais le Ministère a refusé de lui donner un récépissé ou une décharge ; aucun recours ne sera possible puisqu’elle ne dispose d’aucune trace écrite pour intenter une action en justice. Certaines de ces préoccupations légitimes devraient être sérieusement prises en considération.

35. En outre, le Rapporteur spécial a noté avec préoccupation que le chapitre IV du Code de la presse, consacré aux "crimes et délits commis par voie de presse ou par tout autre moyen de publication", se caractérisait par l’imprécision des éléments constitutifs de ces délits, ouvrant ainsi la voie à des interprétations extensives voire abusives. L’article 49, par exemple, qui prévoit le délit de diffusion de fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public, ne fournirait aucune définition de l’ordre public, bien que les peines d’emprisonnement encourues, tout comme pour la diffamation, pourraient aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. L’offense au Président de la République peut atteindre les cinq ans d’emprisonnement.

36. Selon les renseignements reçus, l’ensemble de ces éléments auraient contribué à l’absence totale du journalisme d’investigation et à faire douter les lecteurs de la crédibilité de la presse tunisienne, les incitant à se tourner vers la presse étrangère. Ainsi environ 800 titres proviennent de l’extérieur des frontières de la Tunisie, mais il a été précisé au Rapporteur spécial que peu de correspondants étrangers seraient restés à Tunis en raison des pressions exercées à leur encontre. La diffusion des publications étrangères est à l’entière discrétion du Ministère de l’intérieur. La loi ne prévoyant pas les cas ou motifs pouvant justifier l’interdiction de diffuser un titre étranger, le Ministre a le pouvoir discrétionnaire en la matière et n’est pas obligé de motiver son refus. Ainsi le quotidien français La Croix serait totalement interdit de diffusion et les quotidiens français Le Monde et Libération auraient été saisis plusieurs fois.

37. Au moment de la mission, Le Monde était introuvable dans les kiosques, certaines sources ont affirmé que ce journal avait cessé de circuler en Tunisie depuis le 21 octobre 1999 en raison de la publication d’articles "préjudiciables" pendant les élections présidentielles. La raison invoquée par les autorités pour suspendre ces journaux serait que Le Monde et les autres journaux concernés auraient publié des articles attaquant le Gouvernement sans discrimination et ne leur laisseraient pas de droit de réponse ou le publieraient de manière déformée. L’administration semble fonctionner en partant du principe qu’il faut, dans certaines situations, juguler les interventions d’autres pays par l’entremise des médias, plutôt que de défendre certaines valeurs. Les autorités ne devraient cependant pas ne pas prêter attention à cet avertissement comme quoi cela pourrait être une arme à double tranchant.

2. La liberté de publication et d’édition

38. En principe, cette liberté ne subit aucune entrave puisqu’aucune autorisation préalable n’est exigée. Cependant, le dépôt légal prévu par le chapitre I du Code de la presse serait, dans la plupart des cas, d’après les renseignements transmis au Rapporteur spécial, un instrument pour empêcher toutes les publications non désirées. Ainsi, tous les journaux, revues, livres et illustrations seraient, selon le Code, soumis à la formalité du dépôt légal qui consiste à déposer avant toute diffusion un certain nombre d’exemplaires de la publication au Ministère de l’intérieur. Théoriquement, ces services doivent délivrer un reçu, mais dans la pratique, ce ne serait pas souvent le cas. Des publications seraient ainsi bloquées à l’imprimerie pendant des semaines, des mois, voire des années, gâchant toute perspective de circulation et obligeant les éditeurs à payer le prix de leur ambivalence.

39. De même, certaines institutions contribueraient à restreindre la liberté d’édition et de publication : il s’agirait tout d’abord de la commission de lecture, organe qui siège à la Bibliothèque nationale, mais dont la composition et la gestion sont directement assurées par le Ministère de l’intérieur. Elle intervient lors de chaque publication de livres ou de toute autre matière s’adressant au public. Par ailleurs, la commission des achats, organe intégré au Ministère de la culture, mais dont la gestion et les décisions sont du ressort direct du Ministère de l’intérieur, se réunit deux fois par an et passe en revue tous les manuels et les publications déposés par les éditeurs tunisiens. Elle décide ensuite des publications qui bénéficieront des subventions de l’ةtat visant à encourager les éditeurs tunisiens. Les décisions deviennent alors arbitraires selon que les écrits conviennent ou non au régime. ہ ce stade, la prudence se transforme en sélectivité intéressée.

40. Une liste de livres censurés a d’ailleurs été remise au Rapporteur spécial dans laquelle figurent non seulement des recueils de poèmes et de nouvelles comme Wa qadari an arhal ("Ma destinée c’est de partir") de Fadhel Sassi, mais aussi des livres plus politiques comme Fil Tawajjuh al democrati ("Vers la démocratie et la réconciliation nationale") d’Abderahmane Abid ou encore Islam et liberté de Mohamed Charfi, ancien Ministre de l’éducation nationale (livre publié en France, mais interdit en Tunisie). Ainsi la censure toucherait également les livres et les publications les plus diverses : l’Institut arabe des droits de l’homme basé à Tunis, soutenu par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a pour mission de promouvoir les droits de l’homme dans la région arabe, a vu certaines de ses publications censurées dont Er rassed[1], saisie par le Ministère de l’intérieur depuis un an.

41. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par ces entraves à la liberté d’édition et de publication qui contribuent à l’étouffement de toute créativité et de la vie intellectuelle en général. Cette escalade de problèmes, si on n’y résiste pas à temps, pourrait inéxorablement conduire à des problèmes plus graves encore. Dans ces circonstances, il est encourageant de relever les récentes déclarations présidentielles qui ont exprimé un vif désir d’accorder davantage de libertés aux médias sans nuire aux efforts que fait le Gouvernement pour empêcher le fondamentalisme de se joindre au terrorisme qui pourrait détruire une société en cours de modernisation.

3. Les organes de radiodiffusion et les nouvelles technologies

42. Les organes de radiodiffusion sont caractérisés par une forte influence étatique sur leur mode de fonctionnement et leurs programmes. Créé par une loi du 7 mai 1990, l’ةtablissement de la radiodiffusion télévision tunisienne (ERTT) bénéficie de ressources qui proviennent essentiellement de subventions de l’ةtat, de recettes publicitaires et de la redevance. Ce monopole public a été entamé par la création en 1992 d’une chaîne de télévision privée, Canal Horizons, lancée en partenariat avec la chaîne française Canal Plus. Deux chaînes thématiques pour jeunes ont également vu le jour : Canal 21 (TV) et Canal Jeunes (radio). De même, cinq radios régionales (Gafsa, Le Kef, Tataouine, Sfax et Monastir) ont été créées.

43. Il a été précisé au Rapporteur spécial qu’auparavant, l’audiovisuel, comme la presse écrite, était caractérisée par un véritable pluralisme mais s’est progressivement transformé pour aboutir à un discours beaucoup plus uniformisé. ہ l’heure actuelle, l’ERTT serait désormais sous l’emprise totale de l’ةtat et du parti au pouvoir malgré plusieurs tentative d’ouverture sur les préoccupations du public dans le cadre de débats télévisés périodiques.

44. Le Rapporteur spécial a appris qu’un sentiment d’ennui serait ressenti par les télespectateurs tunisiens, ce qui les amèneraient à s’informer de plus en plus auprès des chaînes étrangères. En effet, le public tunisien reçoit les chaînes de la télévision française (France 2) et italienne (Rai Uno) par voie hertzienne. L’attention du Rapporteur spécial a été appelée sur le fait que France 2 aurait été amputée durant des années du journal télévisé puis complètement suspendue depuis le 25 octobre 1999 suite à la diffusion de programmes et d’informations critiques lors de la dernière campagne électorale. ہ plusieurs reprises, la diffusion de la Rai Uno aurait également été interrompue pendant quelques mois suite à des critiques émises à l’encontre de la politique tunisienne. Il convient cependant de signaler que ces deux chaînes peuvent être captées sans interruption par satellite. Cela n’est pas une question de décision ou de volonté, mais la réalité du progrès technique.

45. Le Rapporteur spécial estique que du point de vue technique et commercial, la Tunisie a largement adopté les nouvelles technologies. Ainsi, depuis 1988, les antennes paraboliques ont été légalisées et leur nombre a augmenté à une vitesse considérable. Le Rapporteur spécial constate que le pays peut se vanter d’avoir fait en sorte que ses habitants ont maintenant, sur leur toit, une parabole, et, sur leur table, suffisamment à manger. Il regrette toutefois que de nombreuses restrictions s’appliquent encore aux nouvelles technologies qui sont désormais incontournables pour un ةtat moderne. Ainsi, dès 1994, l’achat de paraboles était soumis à une autorisation administrative préalable délivrée par le Ministre chargé des communications après avis du président de la collectivité locale concernée.

46. Mais c’est surtout vis-à-vis d’Internet que le Rapporteur spécial a constaté le plus de limitations. En 1996, l’Agence tunisienne Internet (ATI) est créée afin de promouvoir les nouveaux modes de communication ; en 1997, elle devient un opérateur public avec sous sa tutelle deux sociétés privées qui assurent le branchement des abonnés à Internet à des prix de plus en plus bas. Le résultat est que le réseau Internet est plus accessible, moins cher et que le taux des nouveaux branchements a triplé depuis 1997. Mais le Rapporteur spécial a pu se rendre compte que certaines adresses Internet étaient verrouillées en permanence, en particulier le courrier électronique (www.hotmail.com et www.mon courrier.com) et les sites d’ONG comme ceux d’Amnesty International, du Comité pour la protection des journalistes, de la Fédération internationale des droits de l’homme, de Reporters sans frontières, ou encore des sites de journaux et d’hebdomadaires français tels que Le Monde, Libération et Le Nouvel Observateur. Il serait même arrivé que des internautes reçoivent la visite à leur domicile de policiers qui les interrogent sur les raisons de leur connexion à telle ou telle adresse ; les sites qu’ils visitent pourraient ainsi être recensés et les liaisons interrompues. D’autre part, la législation restrictive du Code de la presse sur le plan de la responsabilité du contenu serait applicable à Internet, en vertu d’un décret du 22 mars 1997. Enfin, les opérateurs d’Internet devraient soumettre chaque mois au Gouvernement la liste des abonnés d’Internet.

47. S’agissant de la télécopie, le Rapporteur spécial a été informé qu’un décret de 1996 prévoit la responsabilité pénale des propriétaires de cabine de "taxiphones" disposant d’un télécopieur (fax) pour ce qui est de la teneur des télécopies qui ne devraient pas contenir d’informations contraires à l’ordre public et aux bonnes moeurs. En effet, la correspondance par fax serait régie par le Code de la presse, notamment au niveau de ce qui constituerait une diffamation ou une atteinte à l’ordre public ou la diffusion de fausses nouvelles.

48. Le Rapporteur spécial estime que toutes ces restrictions, surtout celles qui touchent l’Internet, remettent en cause la liberté d’expression et d’information, et devraient à ce titre être supprimées. En outre, les moyens modernes de communication et d’information ne se prêtent pas à un succès instantané. L’automaticité n’est pas leur propre, à moins qu’ils ne soient soutenus par des politiques favorables et des infrastructures appropriées pour améliorer leur exploitation. Associer un idéalisme noble et un pragmatisme affirmé ne pourrait que servir la cause de la liberté d’expression et l’accès à une meilleure information.

B. Autres préoccupations concernant la promotion et le respect du droit

à la liberté d’opinion et d’expression

1. L’absence de pluralisme politique

49. Officiellement, on dénombre sept partis politiques en Tunisie dont cinq sont représentés à la Chambre des députés. Le parti au pouvoir est le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) présidé par le Président Zine El Abidine Ben Ali qui est à l’origine de l’adoption d’un Pacte national avec l’opposition. Discuté et ratifié le 7 novembre 1988, ce Pacte est un code d’honneur qui réunit l’ensemble des partis et sensibilités politiques autour de valeurs communes et de grands principes tels que le nationalisme, l’authenticité, l’ouverture et la tolérance. S’il n’a pas de valeur juridique, ce Pacte - qu’on peut qualifier de "code d’éthique politique" - reprend les valeurs traditionnelles qui ont été celles de la Tunisie car il est vrai que, historiquement, ce pays a été une société pluraliste qui a toujours été tolérante des diversités de vues.

50. Lors d’entretiens avec les autorités, le Rapporteur spécial s’est plusieurs fois entendu dire que le pluralisme politique était présent dans la société tunisienne et qu’un certain nombre de mesures adoptées récemment témoignaient de cette réalité. En effet, de récentes réformes prévoient la pluralité de candidatures aux élections présidentielles et 20 % des sièges au Parlement sont désormais réservés à l’opposition. En outre, une loi de 1997 sur le financement public des partis prévoit d’accorder des subventions aux partis d’opposition pour les campagnes électorales.

51. Le Rapporteur spécial souhaite maintenant faire ressortir un certain nombre d’éléments qui ont été portés à son attention lors de sa mission et qui méritent d’être étudiés sérieusement. Bien qu’il existe une opposition légale en Tunisie, celle-ci ne bénéficierait dans les faits de peu d’autonomie d’action face au pouvoir exercé par le RCD, le parti au pouvoir, sur les différentes structures de l’ةtat. Certaines des personnes avec lesquelles le Rapporteur spécial a abordé le sujet ont décrit l’opposition comme étant uniquement un type d’"opposition de vitrine" maintenue par le RCD qui pourrait à tout moment verrouiller toute autre initiative d’importance qu’elle pourrait prendre. Le Rapporteur spécial a en effet été informé de la position ambiguë de ces candidats de l’opposition aux dernières élections présidentielles qui, tout en briguant la présidence, se féliciteraient de la valeur du travail accompli par le président et loueraient son programme gouvernemental, qui réduirait en fait leurs chances d’être élus.

52. D’après les renseignements communiqués au Rapporteur spécial, les partis politiques auraient des difficultés à s’organiser librement, la loi de 1988 donnant des droits discrétionnaires au Ministre de l’intérieur pour accorder ou refuser l’agrément. Ainsi, le Rapporteur spécial a été informé qu’une demande déposée en 1994 par un groupe d’opposants, avec à sa tête M. Mustapha Ben Jaffar, pour la création d’un parti politique dénommé "Forum démocratique pour le travail et les libertés" aurait depuis cette date été complètement ignorée par le Ministère, ce qui n’a fait qu’ajouter à la difficulté de leur situation. Des pressions auraient même été exercées sur les fondateurs de ce parti pour qu’ils renoncent à leur projet et M. Ben Jaffar aurait été convoqué à plusieurs reprises devant le juge d’instruction.

53. S’agissant de la couverture médiatique des partis d’opposition, il semblerait que l’accès aux médias, surtout à la télévision, soit très limité. Ainsi, les activités importantes de ces partis et leur prise de position à propos des événements ne seraient pas couverts de manière adéquate par les médias. De même, les représentants de ces partis n’auraient qu’un accès limité aux dossiers et participeraient rarement aux débats télévisés et radiodiffusés. Le Rapporteur spécial a cependant été informé que l’ةtat tunisien avait tenté de favoriser la couverture médiatique des partis d’opposition, mais qu’aucune mesure institutionnelle ou législative n’avait été prise afin de systématiser de telles pratiques qui, de surcroît, demeureraient tributaires de la conjoncture politique. Or cela ne ferait qu’accroître la démoralisation de ces partis ou leur refuserait toute parité stratégique.

54. L’attention du Rapporteur spécial a également été attirée sur le fait qu’il existe des journaux d’opposition, mais qu’en fait, le manque de crédibilité du discours de ces partis et l’absence de toute critique constructive auraient contribué à affaiblir leur tirage et à les mettre dans une situation financière difficile. Là encore, l’ةtat tunisien a pris les devants et un décret du 10 avril 1999 prévoit "un montant de 50 000 dinars de prime annuelle au titre de la subvention des journaux des partis politiques". Certains avantages leur sont également octroyés afin qu’ils puissent récupérer 60 % des frais du papier journal et des exonérations douanières leur sont accordées, notamment en ce qui concerne les matériaux d’impression.

55. De l’avis du Rapporteur spécial, ces mesures traduisent une volonté d’intégrer les partis d’opposition, mais pourraient également être contre-productives du fait que les subventions rendent leur existence tributaire de l’appui du parti au pouvoir, ce qui érode leur indépendance et les incite à suivre la ligne gouvernementale. De plus, selon certaines sources, ces mesures demeureraient à la discrétion des autorités et seraient fonction de leurs rapports avec le parti concerné. Le Rapporteur spécial estime que la création d’un organe indépendant chargé de venir en aide aux journaux serait une solution à envisager afin d’éviter toute forme de dépendance.

56. Enfin, le Rapporteur spécial souhaite attirer l’attention des autorités sur des allégations relatives à la suppression des droits des opposants politiques en Tunisie. Ainsi, il a été informé qu’une "vague de répression" aurait commencé à l’automne 1990 et aurait avant tout visé les membres et sympathisants présumés ou avérés d’Ennahda, le parti islamiste. Plus de 9 000 personnes auraient été arrêtées en quelques mois en 1991 et en 1992 ; la plupart auraient été systématiquement torturées et plus de 10 cas de décès en détention au secret auraient été signalés à cette époque. Certaines sources ont dit au Rapporteur spécial qu’un grand nombre de sympathisants du parti islamiste seraient toujours détenus à l’heure actuelle dans des conditions souvent inhumaines et que les familles de ces détenus seraient soumises à de multiples harcèlements (perte d’emploi de l’épouse, surveillance policière, confiscation de passeport, etc.) .

57. Le Rapporteur spécial a appris avec préoccupation que cette vague de suppression des droits des opposants politiques se serait progressivement étendue à d’autres tendances politiques, comme le Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT) aujourd’hui interdit, dont l’un des dirigeants Hamma Hammami, détenu à plusieurs reprises pour ses activités politiques, serait entré dans la clandestinité depuis février 1998.

58. Ainsi d’après les renseignements communiqués au Rapporteur spécial, plus d’un millier d’opposants politiques de toutes tendances seraient encore détenus dans les prisons tunisiennes. Une avancée positive a été cependant l’annonce, le 6 novembre 1999, soit quelques semaines avant le début de la mission, de la libération conditionnelle de plusieurs centaines de détenus, parmi lesquels figureraient des membres présumés du parti islamiste Ennahda et du parti communiste PCOT. Le Rapporteur spécial exprime sa satisfaction par rapport à cette décision de grande ampleur par le message d’espoir qu’elle représente. Il est conscient du paradoxe de la situation contemporaine en Tunisie qui, d’un côté, exige que l’on retienne les forces fondamentalistes et, de l’autre, demande que les pouvoirs publics accordent aux citoyens davantage de liberté d’action et de promotion des idées.

59. Le Rapporteur spécial a également été informé que le principal parti d’opposition légal, le Mouvement des démocrates socialistes (MDS), aurait également été touché par la ligne dure adoptée par le Gouvernement. M. Mohammed Mouadda, ancien président du MDS, serait soumis depuis plusieurs années à un harcèlement continuel. Arrêté en 1995, il a été condamné en 1996 à 11 ans de prison ferme pour menace à la sécurité de l’ةtat et intelligence avec des agents de puissances étrangères ; Khemais Chammari, vice-président du MDS, était condamné à cinq ans d’emprisonnement. M. Chammari, aujourd’hui exilé en France, aurait purgé un an de prison et serait interdit de toute forme d’activités politiques. Ainsi, lors de la visite du Rapporteur spécial, M. Mouadda se trouvait depuis le 17 novembre 1999 en résidence surveillée suite à une décision du Ministre de l’intérieur qui lui avait été notifiée verbalement par la police politique. Ayant décidé de rendre visite à M. Mouadda, le Rapporteur spécial a pu se rendre compte de la situation, constater que la rue de l’intéressé était effectivement barrée par un groupe de policiers, et qu’il était enfermé dans son domicile sans pouvoir communiquer avec l’extérieur, le téléphone étant coupé et personne ne pouvant pénétrer à l’intérieur hormis son fils et son docteur. Le Rapporteur spécial a néanmoins pu s’entretenir longuement avec M. Mouadda - pendant une heure et demie - et constater avec préoccupation l’état de santé précaire de son épouse.

60. Le Rapporteur spécial a appris que quelques jours après sa visite, le 14 décembre 1999, les autorités avaient levé l’assignation à résidence et rétabli la ligne téléphonique de M. Mouadda ; il se réjouit de cette initiative et tient à remercier le Gouvernement tunisien, tout en exprimant l’espoir que M. Mouadda pourra désormais jouir pleinement de son droit à exprimer ses opinions politiques, aussi divergentes soient-elles.

2. Le pouvoir judiciaire

61. La Constitution tunisienne consacre dans son article 65 le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire ; la loi de 1967 fixant le statut des magistrats leur prescrit de rendre impartialement la justice, sans considération de personne ni d’intérêts. De nombreuses lois ont par la suite visé à renforcer ce principe et à consolider les droits de la défense. Il s’agit notamment de la loi du 22 novembre 1993 en vue de réduire la durée de la détention préventive et de celle du 2 août 1999 qui réduit la durée de la garde à vue et renforce les garanties qui s’y rattachent. Un projet de loi actuellement devant la chambre des députés vise également à créer la fonction de juge d’application des peines.

62. Le Rapporteur spécial souhaite encourager les initiatives prises par le Gouvernement, mais compte tenu des informations qui lui ont été transmises lors de la mission, il ne peut que relativiser la portée de ces réformes. En effet, dans la réalité, de nombreux procès politiques se seraient déroulés dans le non-respect des droits de la défense et des normes de procédures juridiques. Des allégations sont parvenues au Rapporteur spécial selon lesquelles le pouvoir judiciaire ne serait pas entièrement libéré des influences du pouvoir exécutif. En outre, la tâche des avocats spécialisés dans la défense des droits de l’homme serait rendue de plus en plus difficile en raison des restrictions imposées à leurs activités dans la défense de leurs clients, par exemple la difficulté pour obtenir des copies de documents judiciaires et la pratique d’accorder des permis de visite qui sont refusés le jour où les avocats se rendent à la prison.

63. Mais c’est surtout les pratiques de harcèlement dont seraient victimes certains avocats qui préoccupent plus particulièrement le Rapporteur spécial. Le cas de Radhia Nasraoui, avocate renommée et spécialisée dans la défense des droits de l’homme, est l’un des plus significatifs : elle est régulièrement harcelée tant sur le plan professionnel (saccage de son cabinet, restrictions à la liberté de mouvement, pressions sur ses clients) que familial (tentative d’enlèvement de sa fille cadette). Me Nasraoui aurait également été accusée en mars 1998 d’actes de "terrorisme" et d’"aide à la réunion d’une association qui prône la haine" (il s’agirait du Parti communiste des ouvriers tunisiens - POCT, interdit d’activités), inculpations identiques à celles dont auraient fait l’objet ses 15 clients, pour la plupart des étudiants de gauche, arrêtés en février 1998 à la suite de manifestations pacifiques. Me Nasraoui avait déposé plainte pour torture et avait demandé aux autorités d’ordonner un examen médical de ses clients et d’ouvrir une enquête. ہ l’issue d’un procès qualifié de "parodie de justice" par des avocats et observateurs internationaux qui étaient présents, Radhia Nasraoui a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis et les étudiants à des peines allant de 17 mois à 4 ans de prison.

64. Un autre cas soumis au Rapporteur spécial est celui de Najib Hosni, avocat éminent spécialisé dans la défense des droits de l’homme, arrêté en 1994 et détenu sans jugement pendant plus de 10 mois, torturé et condamné à huit ans d’emprisonnement pour "actes de terrorisme", puis acquitté en 1996. Aujourd’hui, cet avocat est toujours harcelé - son passeport est confisqué comme dans le cas de 25 autres avocats - et il lui est interdit d’exercer sa profession.

65. Le Rapporteur spécial estime que le harcèlement des avocats et les entraves à la liberté d’exercice de leur profession portent atteinte au principe d’équité du système judiciaire ainsi qu’au droit de l’accusé à un procès équitable. S’il juge utile de relever ces dysfonctionnements judiciaires, c’est qu’ils touchent souvent des avocats qui défendent des personnes poursuivies pour avoir exprimé des opinions divergentes. De telles violations des droits de l’homme exigent un examen détaillé et prudent des faits et méritent d’être corrigées de crainte que le système judiciaire et le droit au procès équitable ne perdent progressivement de leur crédibilité.

3. Les atteintes à la liberté d’association et à toute forme

d’expression d’opinions divergentes

66. Le Rapporteur spécial a pu constater au cours de sa mission que la liberté d’association, mais aussi toute autre forme d’expression d’opinions divergentes, étaient soumises à des contraintes visant à brider, voire à supprimer ces libertés. Ces contraintes prennent la forme de pressions diverses exercées sur les organisations et, beaucoup plus grave, sur les personnes elles-mêmes.

67. Tout d’abord, le Rapporteur spécial a été informé de la quasi-impossibilité de créer de nouvelles associations indépendantes. Le nombre de 7 000 organisations non gouvernementales avancé par les autorités représenterait en grande majorité des associations proches du Gouvernement ou créées par lui. L’exemple du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT) a été porté à la connaissance du Rapporteur spécial. Créé en décembre 1998, le CNLT n’aurait pas reçu l’agrément du Ministère de l’intérieur pour non-conformité à la loi du 7 novembre 1959 relative aux associations. En outre, cette loi ferait l’objet de vives critiques dans la mesure où elle accorderait notamment des pouvoirs exorbitants au Ministre de l’intérieur et en raison de la rigueur des sanctions pénales qui peuvent frapper toute personne accusée d’appartenir à une association non constituée légalement. Par ailleurs, l’attention du Rapporteur spécial a été attirée sur le fait que depuis la demande d’agrément pour la création du CNLT, les membres de l’association seraient régulièrement harcelés, notamment les membres fondateurs MM. Moncef Marzouki et Omar Mistiri qui auraient été plusieurs fois convoqués devant le juge d’instruction. Des poursuites judiciaires auraient été engagées contre eux pour avoir notamment continué à diffuser des communiqués de presse au nom du CNLT exprimant leurs préoccupations quant aux limitations croissantes de la liberté d’opinion et d’expression en Tunisie.

68. En outre, le Rapporteur spécial a été informé que le travail quotidien des organisations indépendantes existantes serait loin d’être facilité par les autorités tunisiennes. Ainsi les bureaux et, de manière générale, les activités de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, mais aussi de l’Association tunisienne des femmes démocrates et de la section tunisienne d’Amnesty International seraient constamment surveillés par la police. Les communiqués de ces ONG ne seraient pour ainsi dire jamais publiés dans la presse nationale et s’ils le sont, c’est de manière souvent tronquée et vidée de leur message politique. De même, les dirigeants et les membres des associations seraient harcelés pour les contraindre à quitter leurs fonctions ; quant aux victimes qui prendraient contact avec ces différentes associations, elles seraient souvent harcelées par les forces de sécurité.

69. Selon les sources, la confiscation de la correspondance, mais aussi les communications téléphoniques sous écoute et les fax interceptés constitueraient une entrave importante à l’exercice des activités quotidiennes de ces ONG. En effet, la confidentialité des informations transmises par des personnes victimes de violations, mais aussi le droit à la protection privée, garanti par l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, seraient constamment mis à mal. Le Rapporteur spécial a ainsi appris l’existence d’un Code de la poste promulgué par une loi à l’Assemblée nationale en juin 1988, dont les articles 20 et 21 prévoient la saisie de toute correspondance portant atteinte à l’ordre public et à la sécurité nationale avec "établissement d’un procès-verbal de saisie à transmettre au Procureur de la République pour poursuites judiciaires éventuelles". Certains courriers seraient ainsi couramment lus et confisqués.

70. Les pressions ne s’exerceraient pas seulement à l’égard de la structure et des activités mêmes des associations, mais aussi contre leurs membres et de manière générale contre toute personne voulant exprimer une opinion quelque peu divergente. En première ligne figurent les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’homme, puis tout autre particulier : avocat, journaliste, écrivain, poète, professeur, etc. Les nombreux témoignages soumis au Rapporteur spécial ont fait part de différentes méthodes de harcèlement et d’intimidation. Outre l’incarcération de ces personnes et de certains de leurs proches pour actes de "terrorisme" ou pour toute autre infraction de droit commun, le Rapporteur spécial a pu relever, sur la base d’allégations reçues, un éventail des techniques utilisées qui se placeraient le plus souvent en dehors des termes de la loi : perte d’emploi, confiscation de passeport, saccage du bureau ou du domicile, courrier intercepté, ligne de téléphone et de télécopie et site Internet surveillé ou interrompu, voiture volée ou endommagée. Faisant l’objet d’une surveillance constante par des policiers en civil, certaines personnes seraient empêchées d’organiser des réunions ou d’y participer. D’autres seraient victimes de campagnes diffamatoires prenant la forme d’articles insultants et dégradants publiés dans les médias tunisiens (en particulier par le journal El-Hadath), ou de publications anonymes comme celles qui circulent en France et qui sont adressées aux exilés tunisiens[2], ou encore de diffusion de vidéocassettes ou de photographies truquées les montrant dans des situations compromettantes. Même des opposants politiques vivant en exil en France auraient été victimes, en 1997 et 1998, de tracts anonymes contenant des allégations dégradantes et insultantes à leur propos. Ce harcèlement prendrait de plus en plus souvent la forme de "punition collective" du fait que l’on s’attaquerait à la famille proche, voire aux voisins des personnes suspectées pour leurs opinions différentes. L’existence de telles pratiques ont été soulevées par le Rapporteur spécial lors d’un entretien avec le Ministre de la justice qui a nié l’existence d’un système parallèle qui se placerait en dehors des limites de la loi. Pourtant, le Rapporteur spécial a été informé que les victimes de ces violations porteraient régulièrement plaintes auprès des instances concernées sans qu’aucune poursuite ne soit engagée.

71. En outre, il ressort d’un entretien que le Rapporteur spécial a eu avec le président du Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que cet organe, habilité à recevoir des plaintes de particuliers, ne serait saisi que rarement de violations telles que celles qui sont mentionnées ci-dessus. La crédibilité de cet organe gagnerait à être renforcée.

72. Au cours de sa visite, le Rapporteur spécial a eu l’occasion de s’entretenir plusieurs fois avec M. Khemais Ksila, vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, cas dont s’était saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire et la Commission des droits de l’homme. Le Rapporteur spécial lui-même avait alerté le Gouvernement tunisien sur la situation de M. Ksila dans une lettre du 16 octobre 1997. M. Ksila avait été arrêté le 29 septembre 1997 et condamné le 11 février 1998 à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 1 200 dinars pour avoir publié un communiqué dénonçant les violations des droits de l’homme en Tunisie et alertant l’opinion publique de sa décision d’entamer une grève de la faim en réaction au harcèlement et aux menaces dont il aurait été l’objet du fait de son activité de défenseur des droits de l’homme. Le Rapporteur spécial se félicite de la libération conditionnelle de M. Ksila qui a été décidée le 22 octobre 1999 et espère qu’il ne sera plus porté atteinte à ses libertés.

73. Le Rapporteur spécial est convaincu de l’importance des ONG dans toute société. Toute réduction de leur nombre ou de leurs activités contribuent à placer une société entièrement sous contrôle. Le réalisme nous contraint à constater des signes de tension dans ce domaine.

74. Dans le domaine de la liberté syndicale, le Rapporteur spécial s’inquiète de l’existence d’un syndicat unique, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) - même si la législation en la matière est assez libérale. Il craint en effet qu’une seule confédération représentant tous les travailleurs tunisiens ne puisse véritablement refléter la pluralité des vues. L’attention du Rapporteur spécial a également été attiré sur le fait que le règlement prévoit que toutes les grèves doivent être autorisées par l’UGTT, ce qui limite considérablement le droit de grève et la liberté syndicale. Le Rapporteur spécial a également été informé que le 10 mai 1999, 10 anciens dirigeants syndicaux auraient été interpellés par des membres des forces de sécurité en civil et détenus pendant 48 heures pour avoir publié une pétition protestant contre les irrégularités qui auraient entaché le déroulement du dernier Congrès de l’UGTT en avril 1999.

75. Enfin les intellectuels, les universitaires, les scientifiques et les artistes auraient également besoin de beaucoup plus de liberté pour poursuivre leurs activités. Ainsi, l’attention du Rapporteur spécial a été attirée sur le fait que divers ministères (enseignement supérieur, tourisme) auraient émis des circulaires imposant, pour toute manifestation sociale quelle qu’elle soit, que la liste des participants et une copie des interventions soient soumises au préalable au Ministère de l’intérieur. Le Rapporteur spécial estime que des mesures de cette nature sont excessives et inhibent tout esprit créatif nécessaire à l’équilibre et au développement d’une société démocratique.

C. La situation des femmes

76. La Tunisie a vraiment fait œuvre de pionnier en faveur de la promotion du droit des femmes dans les pays arabes. Au lendemain de l’indépendance, en 1956, le Code du statut personnel a notamment aboli la polygamie, interdit le mariage forcé, institué le divorce judiciaire et mis fin à la répudiation unilatérale. Les divers textes relatifs aux droits de la femme ont continué à être réformés en faveur d’une plus grande égalité homme-femme et un Ministère des affaires de la femme et de la famille a été créé pour renforcer le rôle et l’influence de la femme dans la société tunisienne. De même, des mesures concrètes ont été prises en faveur, notamment, de la scolarisation des femmes et un institut gouvernemental, le Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (CREDIF), a été établi en 1991. Le Rapporteur spécial a eu l’occasion de participer à une table ronde organisée par le CREDIF qui lui a permis de se rendre compte de la mobilisation des associations de femmes, très nombreuses dans ce pays et de celle du Gouvernement tunisien en faveur d’une meilleure promotion du droit des femmes. On ne peut manquer d’approuver les initiatives élaborées avec prudence dans ce domaine : elles généreront sûrement des forces qui pourraient stimuler l’avancement de l’égalité des sexes dans le pays.

77. S’agissant de la participation politique des femmes, le Rapporteur spécial a constaté que les femmes ont commencé à faire des progrès modestes au sein des instances dirigeantes. D’après le CREDIF, le Gouvernement actuel comprend quatre femmes ministres ; il y aurait aussi trois femmes ambassadeurs et 21 femmes députés. Le CREDIF, qui a notamment pour mission d’établir annuellement un rapport sur la condition de la femme tunisienne afin d’éclairer le gouvernement sur les mesures à prendre, a également inscrit le thème des femmes dans les médias à son programme d’activités afin de former les journalistes pour les sensibiliser au traitement des sujets concernant la femme. Une étude a également été menée par le CREDIF sur le contenu de la presse écrite en Tunisie en rapport avec la femme tunisienne : la conclusion a été que les questions féminines sont peu présentes dans les journaux - sur sept quotidiens analysés[3], seulement 1,66 % en moyenne de leur surface globale est consacré à la question féminine.

78. Des progrès considérables sont certes faits, mais le Rapporteur spécial estime qu’il faut donner davantage de pouvoir aux femmes dans la vie publique et renforcer leurs rangs. Ainsi, d’après les informations reçues, il existerait, en parallèle, des associations qui ne bénéficieraient pas du soutien du Gouvernement et qui souffriraient ainsi d’un manque de reconnaissance de leurs activités, voire d’entrave dans leur travail. Il s’agit notamment de l’Association tunisienne des femmes démocrates, une ONG indépendante qui lutte contre la discrimination et les problèmes rencontrés par les femmes. Elle contribue notamment à l’information des femmes victimes de la violence et a créé un Centre d’orientation des femmes victimes de la violence. Le Rapporteur spécial a appris que presque aucun des communiqués de presse de cette association ne serait publié dans les médias tunisiens et qu’aucune de ses activités telle que les campagnes d’information sur les violences contre les femmes n’aurait fait l’objet d’une quelconque publicité. Cela est d’autant plus regrettable que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales en date du 14 mai 1999, s’est déclaré préoccupé par "le manque de statistiques officielles dans le domaine de la violence dans la famille, même si celle-ci reste rare en Tunisie".

79. De nombreux cas de harcèlement dans la vie privée des femmes auraient également été relevés, ce qui équivaut à des violations des normes fondamentales de la décence humaine. ہ cet égard, le Rapporteur spécial tient à faire référence au rapport de 1999 établi par Mme Rhadika Coomaraswamy, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, qui condamne de telles pratiques (E/CN.4/1999/68/Add.1 du 11 janvier 1999, par. 42 à 48). Dans une communication conjointe transmise le 30 septembre 1998, Mme Coomaraswamy et M. Nigel Rodley, Rapporteur spécial contre la torture, ont informé le Gouvernement tunisien que des renseignements leur avaient été transmis entre 1993 et 1998 selon lesquels des femmes et autres parents d’opposants en détention ou en exil, auraient été soumis à des actes de torture et autres traitements inhumains ou dégradants soit chez elles, soit dans des postes de la police ou de la Garde nationale ou encore au Ministère de l’intérieur. Le Rapporteur spécial estime que cela est incompatible avec l’aspiration éclairée proclamée par l’ةtat. L’ةtat doit progresser vers une société moderne, large d’esprit et progressive en tenant compte de ce que l’égalité des sexes demeure une condition primordiale d’une société juste et bonne. L’ةtat doit redoubler d’efforts pour établir un nouveau modèle culturel concernant l’amélioration de la condition de la femme.

III. CONCLUSIONS

80. Le Rapporteur spécial se félicite de l’attachement exprimé par le Gouvernement tunisien à l’égard de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l’homme. En particulier, il reconnaît que la Tunisie a adopté des textes nationaux avancés et a souscrit à la plupart des conventions internationales et a créé dans sa législation et sur son territoire les mécanismes liés à leur application. Mais malgré cette volonté de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, qui transparaît également dans les discours officiels, il existe encore un gouffre entre le discours et la réalité. Le Rapporteur spécial fait certes sienne la position officielle en faveur d’une approche globale et reconnaît qu’il faut du temps et des efforts concertés pour modifier la structure culturelle d’une société, mais il souhaite néanmoins demander au Gouvernement de réduire l’écart entre le discours, la loi et les pratiques en ce qui concerne la protection des droits de l’homme. Le Rapporteur spécial aimerait que la Tunisie devienne un modèle pour les pays de la région, ce pour quoi elle est la plus qualifiée.

81. Le Rapporteur spécial souhaite rappeler que la liberté d’opinion et d’expression est le fondement de toutes les libertés sur lesquelles repose l’édifice de la démocratie. Aucune nation ne peut progresser durablement si la liberté d’expression n’est pas garantie à tous les citoyens et protégée par la loi. La Tunisie a récemment fait des progrès considérables, mais elle a encore un long chemin à parcourir pour profiter pleinement de son contexte économique favorable pour adopter des mesures visant à renforcer la protection des droits de l’homme et, en particulier, le droit à la libertéd’opinionetd’expression.

82. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par les allégations concernant les traitements infligés aux familles et aux proches des personnes détenues et, en particulier, la manière dont les femmes seraient traitées. Il accueille toutefois favorablement la législation avancée relative aux droits de la femme tunisienne, mais ces acquis indéniables ne peuvent être sauvegardés et améliorés que par l’action conjuguée des pouvoirs publics et celle d’un mouvement associatif autonome et créatif. Ainsi, la participation des femmes à la vie publique passe certes par leur égalité devant la loi, mais également par leur droit à l’expression de leur différence.

83. Pour ce qui concerne le système judiciaire, le Rapporteur spécial ne peut qu’encourager les réformes en cours visant à renforcer les droits de la défense. Cependant, le judiciaire doit exercer son indépendance totale par rapport à l’exécutif de peur que la population ne le voit que comme un moyen de restreindre ses droits, en particulier son droit à la liberté d’opinion et d’expression.

84. Le Rapporteur spécial estime préoccupant la main-mise de l’ةtat sur le système national de radio et de télévision, ainsi que sur les quotidiens à grand tirage. ہ cet égard, les obstacles auxquels se heurtent les médias qui essaient de fournir une source d’information différente au public tunisien devraient être éliminés. Le Rapporteur spécial fait observer que l’exercice effectif du droit du public tunisien à recevoir une information complète et fiable ne devrait pas être limité, et que les Tunisiens devrait avoir pleinement accès à toutes les informations et idées, sans considération d’origine. Il regrette particulièrement les obstacles qui entravent le fonctionnement d’Internet, mais aussi ceux qui restreignent la libre circulation de l’information venant de l’étranger par voie de presse ou par radio.

85. Dans ce contexte, le Rapporteur spécial souhaite se référer à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose que les citoyens ont non seulement le droit de répandre des informations de toute espèce, mais aussi de rechercher et de recevoir ces informations sans considération de frontières. La libre circulation de l’information et l’échange des idées par l’intermédiaire des médias et autres forums publics sont donc indispensables au bon fonctionnement d’une démocratie.

86. Le Rapporteur spécial tient à reconnaître les efforts du Gouvernement tunisien pour moderniser les supports médiatiques et pour libéraliser le droit à l’information, notamment par la décision de supprimer en 1997 le Secrétariat d’ةtat à l’information. Cependant, ces efforts demeurent insuffisants au vu de la censure imposée aux médias et de l’ancrage de l’autocensure au sein des organismes de presse et dans l’esprit des journalistes. Le Rapporteur spécial tient à insister sur le fait que les fonctions principales des médias - informer, enquêter, exposer les abus et instruire - qui revêtent une importance cruciale pour la société, ne peuvent être accomplies que par des organes libres de contraintes inutiles. Le Gouvernement a ainsi l’obligation d’assurer les conditions favorables qui permettent aux médias de jouer ce rôle et de garantir une indépendance totale de la rédaction, en particulier des organes de diffusion financés par l’ةtat.

87. Le Rapporteur spécial constate avec satisfaction l’existence de plusieurs instituts de formation, telle que l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI), ou encore le Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs. Il ne peut qu’encourager l’organisation de séminaires de formation des professionnels des médias, comme cela se fait déjà, avec le concours de l’UNESCO, de l’Institut arabe des droits de l’homme de Tunis et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme à Genève.

88. Le Rapporteur spécial souhaite faire observer que la concentration du pouvoir s’accorde mal avec le principe de la liberté et que la démocratie et l’état de droit sont essentiels au bien-être de la Tunisie. C’est pourquoi il estime nécessaire de devoir vigoureusement lutter contre les mesures qui entravent cette réalisation. ہ cet égard, le Rapporteur spécial est convaincu que l’instauration d’un dialogue ouvert avec une opposition libre de se développer sans entrave est essentiel pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il lance donc un appel pour que soit garantie l’instauration d’un système ouvert et responsable qui est indispensable pour le bien de la Tunisie et de son peuple. Dans cette perspective, il souligne le rôle fondamental que joue la liberté d’opinion, d’expression et d’information pour consolider le développement démocratique et le respect des droits de l’homme.

89. Enfin, le Rapporteur spécial souhaite souligner une nouvelle fois que la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ne peuvent être considérées isolément. Il faut plutôt les voir comme un test essentiel, une dégradation de ces libertés étant souvent le signe d’une dégradation générale des autres droits de la personne humaine. Les recommandations suivantes visent à renforcer et à appuyer les efforts déployés par le Gouvernement tunisien pour traduire dans la réalité ses engagements concernant la liberté d’opinion et d’expression.

IV. RECOMMANDATIONS

90. A la lumière des observations et préoccupations exposées dans les sections précédentes, le Rapporteur spécial souhaite soumettre les recommandations suivantes à l’attention du Gouvernement tunisien ; compte tenu des échanges de vues francs et constructifs qui ont eu lieu au cours de la mission, le Rapporteur spécial est convaincu qu’elles seront accueillies dans un esprit positif marquant une volonté partagée de renforcer la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.

91. Il faut tout d’abord garder à l’esprit que c’est la première fois qu’un rapporteur thématique de la Commission des droits de l’homme est autorisé à se rendre en Tunisie. Le Rapporteur spécial souhaiterait donc encourager cette volonté de coopération du Gouvernement tunisien en lui recommandant de considérer positivement les demandes de visite présentées par deux autres rapporteurs de la Commission : le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur la torture. Le Gouvernement tunisien pourrait ainsi bénéficier de leur compétence dans ces deux domaines qui, selon le Rapporteur spécial, méritent une attention particulière.

92. Le Rapporteur spécial prie instamment le Gouvernement tunisien de renforcer l’autonomie et l’indépendance des institutions existantes de défense des droits de l’homme, notamment du Comité supérieur des droits de l’homme et les libertés fondamentales, de manière à stimuler la confiance du public et en particulier des victimes de violations des droits de l’homme. La création d’une commission des droits de l’homme séparée et autonome, qui agirait de manière indépendante de toute autre autorité étatique ou ministère fonctionnant au sein du Gouvernement, pourrait être envisagée.

93. Le Gouvernement tunisien est vivement encouragé à prendre de nouvelles mesures pour garantir pleinement la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Ces mesures devraient consister notamment à réviser et modifier certaines des lois nationales en vigueur, en particulier celles qui concernent le Code de la presse, la loi sur les partis politiques et la loi sur les associations :

a) Conformément aux recommandations formulées en novembre 1994 par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, le Rapporteur spécial prie instamment le Gouvernement tunisien de modifier les dispositions du Code de la presse relatives à la diffamation de manière à ce que ce délit ne soit plus passible de peines d’emprisonnement et de redéfinir la notion de délit de presse.

b) La loi sur les partis politiques doit être revue afin de promouvoir la création de nouveaux partis, favorisant ainsi le développement d’un véritable pluralisme politique. Des dispositions favorisant l’accès des partis aux médias sont aussi à considérer.

c) La loi sur les associations doit être assouplie de façon à créer un environnement favorable à l’épanouissement de la société civile en facilitant la création d’ONG indépendantes et en légalisant celles qui oeuvrent dans la clandestinité. Des dispositions supplémentaires devraient garantir l’indépendance et le bon fonctionnement des structures associatives et professionnelles existantes, en particulier les associations des droits de l’homme et celles dans le domaine des médias (Association des journalistes tunisiens (AJT), Association tunisienne des directeurs de journaux (ATDJ)).

94. Le Rapporteur spécial incite également le Gouvernement tunisien à prendre toutes les mesures nécessaires pour ratifier les deux protocoles facultatifs du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à adopter une nouvelle loi sur l’information de manière à favoriser l’accès du citoyen tunisien à l’information, notamment celle qui concerne les représentants de l’ةtat et leurs activités officielles.

95. Le Gouvernement tunisien est également encouragé à envisager la création de deux nouvelles institutions, à savoir :

a) Un conseil de la presse indépendant des structures étatiques et du système judiciaire vers lequel les journalistes, mais aussi le public pourraient se tourner pour soumettre des plaintes, demander conseils et obtenir des sanctions. Ce conseil devrait être composé de professionnels des médias, nommés par des associations indépendantes spécialisées dans ce domaine, et de représentants du public ;

b) Une instance indépendante pour traiter de sujets intéressant les médias comme la propriété des journaux, le prix du papier et du matériel d’impression, la répartition équilibrée de la publicité et le soutien aux journaux en difficulté.

96. Le Rapporteur spécial engage vivement le Gouvernement tunisien à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance des médias, notamment pour les protéger de toute ingérence de la part du parti au pouvoir. La première mesure pourrait consister à créer des agences de presse en complément de l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP) afin de diversifier les sources d’information. Il conviendrait également de renforcer l’autonomie de l’ةtablissement de la radiodiffusion télévision tunisienne (ERTT) de manière à lui assurer une certaine indépendance par rapport au pouvoir en place et d’encourager la création de chaînes de télévision privées concurrentes.

97. En ce qui concerne le flux des informations venant d’autres pays, le Rapporteur spécial exhorte le Gouvernement tunisien à supprimer les restrictions sur les journaux étrangers et sur la diffusion de programmes de chaînes étrangères par voie hertzienne. De même, le Gouvernement tunisien est vivement invité à mettre un terme à toute restriction concernant les nouvelles technologies, en particulier Internet.

98. Le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement tunisien d’éliminer toute entrave à la production intellectuelle et artistique en supprimant toutes les mesures de censure directes ou indirectes qui auraient un effet inhibant. ہ cet égard, le Rapporteur spécial souhaite rappeler que le véritable pluralisme repose aussi sur la liberté d’expression intellectuelle et artistique et sur l’existence de contre-pouvoirs tels que les partis politiques, les syndicats, les associations et les organes d’information indépendants.

99. Il est vivement recommandé au Gouvernement tunisien de réexaminer les cas de personnes détenues pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression, en vue de leur remise en liberté. Les récentes libérations de centaines de détenus sont à cet égard plus qu’encourageantes.

100. En outre, le Rapporteur spécial prie instamment le Gouvernement tunisien de mettre un terme à l’intimidation et au harcèlement dont feraient l’objet les personnes qui cherchent à exercer leur droit à la liberté d’opinion et d’expression, en particulier les défenseurs des droits de l’homme, les opposants politiques, les syndicalistes, les avocats et les journalistes. Des enquêtes sur les actes de violences commis doivent être ouvertes et les responsables traduits en justice.

101. Le Gouvernement tunisien est enfin prié d’ouvrir, par l’intermédiaire d’un organe indépendant, une enquête pour examiner les cas d’allégations de harcèlement des épouses et proches de détenus ou de personnes soupçonnées d’activités politiques illégales. Le développement d’organisations autonomes féminines doit être encouragé et le bon fonctionnement des organisations indépendantes existantes doit être renforcé.

102. Le Rapporteur spécial soutient qu’en démontrant son ferme engagement à l’égard des valeurs morales et son souci pour les droits de l’homme, un pays gagne l’approbation de l’humanité et déjoue les manœuvres des forces antisociales au sein du pays. Une Tunisie axée sur l’avenir et qui protège et encourage fermement les droits de l’homme saura acquérir la stature morale pour influencer d’autres pays de la région.

Annexe

Personnes avec lesquelles le Rapporteur spécial s’est entretenu pendant sa mission

Gouvernement tunisien
- S.E. M. Habib Ben Yahia, Ministre des affaires étrangères

- S.E. M. Bechir Tekkari, Ministre de la justice

- S.E. M. Abdallah Kallel, Ministre de l’intérieur

- S.E. M. Dali Jazy, Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé des droits de l’homme, de la communication et des relations avec le Parlement

- M. Fethi Abdelnadher, Président du Conseil constitutionnel

- M. Mohammed Lessir, Directeur de la Division des droits de l’homme, Ministère des affaires étrangères

- M. Samir Koubaa, Directeur adjoint, Ministère des affaires étrangères

- M. Mohamed Habib, Président de l’Unité des droits de l’homme, Ministère de la justice

Institutions gouvernementales

- M. Rachid Driss, Président du Comité supérieur pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales

- Mme Boutheïna Gribaâ, Centre d’études, de recherches, d’information et de documentation de la femme (CREDIF)

- M. Oueslati Brahim, Directeur du Guichet unique information des jeunes, Ministère de la jeunesse et de l’enfance

- M. Mounir Bouraoui, Chargé de mission au Fonds de solidarité nationale

Professionnels des secteurs de l’information

- M. Ridha Methnini, Conseil supérieur de la communication

- Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI)

- M. Mohammed Ben Ezzeddine, Directeur du journal La Presse de Tunisie

- M. Tijani Haddad, Directeur fondateur, Tunisia News

- Association des journalistes tunisiens

- Association tunisienne des directeurs de journaux

Organisations non gouvernementales

- Ligue tunisienne des droits de l’homme

- Association tunisienne des femmes démocrates

- Amnesty International, section tunisienne

- Conseil national des libertés en Tunisie

- Association de défense des Tunisiens à l’étranger

- Association tunisienne des mères

- Avocats sans frontières

- Jeunes médecins sans frontières

Divers

- Ismail Boulahia, Mouvement des démocrates socialistes

- Institut arabe des droits de l’homme



[1] Il s=agit d=une reprise en arabe du Moniteur des droits de l=homme, publication du Service international des droits de l=homme, faisant un bilan des différentes activités des Nations Unies dans le domaine des droits de l=homme.

[2] Les masques, paraissant en arabe et en français, et Akhbar El Mouflicine ("Les nouvelles des faillis") paraissant en arabe.

[3]Quatre titres de langue arabe : Essabah, Essahafa, El Horriya, Erraï El Am (a cessé de paraître depuis) et trois titres de langue française : La Presse, Le Renouveau, Le Temps.



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