Tunisie Réveille Toi ! http://www.reveiltunisien.org/ Site d'information et d'opinion sur la Tunisie fr SPIP - www.spip.net Les putschistes d'Aix en province jusqu'au boues (2) http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article697 http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article697 2003-06-25T14:50:14Z text/html fr Sami Ben Abdallah « Les naïfs qui se sont crus obligés de parler franchement ont tous finis écrasés par leurs propres alliés avant de servir à assouvir la rancune de leurs adversaires » Le juge Mokthar Yahyaoui On avait cru qu'Internet ne dérangeait que le pouvoir, mais voilà que les réactions en nombre des barons de l'opposition tunisienne en modifièrent la donne. Ainsi, on découvre aujourd'hui les appels de certains à l'élaboration de codes éthiques et déontologiques - il est vrai que nombre d'universitaires et de (...) - <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p><i>« Les naïfs qui se sont crus obligés de parler franchement ont tous finis écrasés par leurs propres alliés avant de servir à assouvir la rancune de leurs adversaires » Le juge Mokthar Yahyaoui </i></p> <p>On avait cru qu'Internet ne dérangeait que le pouvoir, mais voilà que les réactions en nombre des barons de l'opposition tunisienne en modifièrent la donne.</p> <p>Ainsi, on découvre aujourd'hui les appels de certains à l'élaboration de codes éthiques et déontologiques - il est vrai que nombre d'universitaires et de militants se sont prêtés au jeu de bonne foi - et à une autorégulation d'Internet.</p> <p>Certains barons recourent aujourd'hui à visages découvert aux mêmes tactiques du Pouvoir pour enterrer toute critique et détourner l'attention sur les manœuvre politiciennes des « putschistes d'Aix en Provence » - des barons lancés à la vitesse maximale dans une course poursuite du bras de fer qui oppose les clans au Pouvoir.</p> <p>Ainsi, n'assiste-t-on pas à un appel à un lynchage public des supposés « agents du Pouvoir » qui au moyen « d'intervention régulières » laissent « leurs empreintes sur les modes et les mœurs » et qui par manque de courage, peut être, n'ont-ils pas été nommés ?</p> <p>Des appels qui surprennent de part leur contenu-même et des personnes qui les ont émis. Des réactions qui ont puisé leur vocabulaire d'un registre strictement sécuritaire en disent long sur la capacité de certains « démocrates » à accepter la critique. Ceux-là même qui se présentaient souvent comme des authentiques défenseurs de la liberté d'expression, qui encourageaient les jeunes à s'exprimer, car « ils sont porteurs de logiques non traditionnelles », sont ceux-là même qui empruntent aujourd'hui au Pouvoir sa logique du « Tout sécuritaire » - ne soutient-il pas un discours libéral officiellement et multiplie dans les coulisses les entraves à la liberté d'expression sous prétextes de respect de « règles déontologiques et d'éthiques » dont il est le seul à en avoir le monopole de la définition et du contrôle.</p> <p>Or il semble que le débat qu'a posé Internet, est le changement des modes de sélection des militants et le mode de constitution de l'opinion publique. Une nouvelle génération de militants est montée sur la scène publique changeant le rapport de force qui a sous-tendu jusque là le Mouvement contestataire [<a href='#nb1' class='spip_note' rel='footnote' title='Le qualitatif de Mouvement contestataire décrit peut être mieux la nature de (...)' id='nh1'>1</a>] pris en otage jusque là par nombre d'acteurs « enracinés » dans des ONG.</p> <p>Il est à mes yeux important de rappeler ici que le mouvement contestataire tunisien depuis l'indépendance n'a jamais été un mouvement populaire (hormis deux formations, le mouvement islamiste et à un degré moindre le POCT).</p> <p>Il était sous-tendu par une logique « bourgeoise » car à aucun moment de son histoire il n'était question de faire une rupture avec le système en présentant un nouveau projet de société. Cette mouvance dans l'opposition se gardait de respecter certaines limites et d'éviter des dossiers sensibles qui remettaient en cause la nature même du système (tel que la corruption). Il y avait une sorte d'accord tacite entre le pouvoir et cette mouvance. Ce qui limitait la contestation dans les seuls sujets des libertés publiques et des droits de l'homme.</p> <p>Il faut ici faire le parallèle avec l'économie pour comprendre d'avantage cette logique qui s'apparente à celle des « services » qui au moindre coût, au minimum de temps garantit la plus grande marge. Ces acteurs accédaient très vite à la notoriété publique et engageaient des relations avec des ONG internationales génératrices de fonds sous forme de subventions et surtout leur permettait d'avoir un positionnement intelligent comme intermédiaire entre le Pouvoir et les partis politiques. Les organisateurs officieux de la réunion d'Aix-en-Province inscrivaient leur action dans cette logique. Le fameux comité de liaison se proposait de se poser comme intermédiaire entre le Pouvoir et les partis de l'opposition.</p> <p>Une fois la première phase achevée, ces acteurs se hissaient à la tête d'organisations prestigieuses. Il faut les fragiliser de façon à ce que ses structures deviennent otages de ses personnes ce qui les pérennisent.</p> <p>Dans un second temps, et au moyen d'une politique de communication savamment arrêtée, les personnes se confondaient avec les organisations de façon à créer une pression terrible sur un éventuel contestataire qui se verra reprocher de mettre en doute la crédibilité de ses associations alors qu'il ne faisait que critiquer le comportement de nombre d'acteurs.</p> <p>Il est instructif à cet égard de remarquer que chaque fois que quelqu'un contestait les choix de nombre d'acteurs, le débat s'orientait insidieusement et on mettait en avant la crédibilité du CNLT par exemple en doute ou la LTDH dans son combat contre la dictature dans les années noires de la Tunisie ou aujourd'hui la personne de Moncef Marzouki prétextant que le débat engageait une « solidarité collective » (qui renvoie à une logique de clan). Or, il est utile de rappeler que nulle personne n'a mis en doute l'intégrité morale de Moncef Marzouki ou du CNLT ou de la LTDH mais que les choix politiques demeurent critiquables.</p> <p>En troisième lieu de l'enracinement, venait l'étape de nouer des relations personnelles avec les partenaires étrangers. La théorie d'enracinement voudrait que le dirigeant fasse des investissements relationnels avec ses partenaires au détriment de l'organisation qu'il représente ce qui lui permet à terme de devenir incontournable en créant un rapport de force au sein de l'organisation même défavorable à son successeur. Nombre de victimes tunisiennes qui voulaient s'adresser directement à des ONG internationales peuvent conforter ce constat eux qui n'ont essuyé qu'un éternel veto. Leurs plaintes ont été souvent ignorées sous les instructions de ces carriéristes. Combien est dangereuse une telle logique qui fragilise ces associations les laissant au seul merci du Pouvoir qu'il lui suffit de retourner le premier responsable pour s'assurer du soutien de toute l'organisation. Les exemples de M. Moada, et de M. Ismail Sahbeni sont éclairants à ce sujet.</p> <p>Sur un autre registre, il est révélateur de remarquer que lors de l'affaire Maher Osmani, le CNLT et son porte parole (le seul habilité à parler en son nom) ont été mis à l'écart au profit d'un comportement personnel d'un de ses militants. Ceux qui avancent aujourd'hui les plus belles intentions du monde en affichant leur tristesse à cause de la mésaventure de leurs collègues de l'AISPP feront bien de ne plus insulter l'histoire. Car un jour viendra que toute la vérité sera dite sur cette affaire.</p> <p>Il est intéressant de souligner que ces stratégies d'enracinement s'accompagnent souvent de l'opacité. C'est ainsi que la transparence qui doit accompagner les opérations de financement a cédé sa place à une structure de financement occulte qui pose des questions urgentes : celle de la gestion de ces fonds, celle de la transparence et celle de la marge de manœuvre que ces acteurs ou ces organisations se permettent vis-à-vis des bailleurs de fonds. Quand on apprend que pour 1€ versé aux ONG tunisiennes par les acteurs institutionnels, les organisations du régime reçoivent 100€, il est légitime de s'interroger sur l'opportunité d'avoir un tel financement ?</p> <p><strong>DEPASSER LES LOGIQUES INDIVIDUELLES OPPORTUNISTES</strong></p> <p>Ce serait une éternelle erreur de personnaliser aujourd'hui encore une fois le débat car il me semble qu'il y a une chance historique aujourd'hui de se démarquer de ce cercle vicieux qui a empoisonné le mouvement contestataire tunisien dans des logiques individuelles (il y a beaucoup de généraux sans soldats ou des présidentiables sans militants) servant des intérêts personnels sinon le revers de l'histoire sera cuisant. L'exemple Irakien est à ce sujet instructif, la chute du régime de Saddam Hussein n'a pas amené la démocratie en Irak. Les masses aujourd'hui ne s'identifient nullement dans les formations des partis politiques et les deux mouvements de résistance semblent animés par une tendance islamiste qui aspire à fonder un Etat théocratique et une tendance baassiste qui dit-on voudrait raviver l'héritage politique de la dictature déchue.</p> <p>Il est temps aujourd'hui de se déloger des logiques conformistes qui ont jusque-là animé le mouvement contestataire tunisien. Se démarquer des logiques individuelles et réactives et reprendre l'initiative Aux démocrates et aux intellectuels tunisiens incombe aujourd'hui une mission historique. Celle de bâtir des institutions, et d'instituer des traditions démocratiques au sein du Mouvement contestataire tunisien en favorisant les logiques collectives au détriment des logiques individualistes.</p> <p>A défaut, les fissures s'accroîtront. Car ceux qu'on nomme aujourd'hui la troisième opposition sont la preuve-même de la pourriture du système de valeurs qui a sous-tendu jusque-là le comportement du mouvement contestataire. Il arrivera un temps où cette troisième opposition consommera sa double rupture avec le pouvoir et l'opposition traditionnelle, s'organisera autour de nouveaux leaders et incarnera un nouveau projet de société.</p> <p>Nulle part n'a été dit « le Pouvoir est pourri et l'opposition l'est aussi… donc gardons les pourris originels ». Une telle phrase par sa construction-même qui se voulait démagogique révèle une vérité dangereuse : c'est un aveu.</p> <p>Ceux de ma génération ne voudront plus se réfugier dans la nostalgie du passé, se contenter de décrire le présent car si nous avons perdu la bataille du passé et du présent, nous voudrons plus perdre celle du futur. Il en va de notre devoir envers les générations futures. Peut-être échouerons-nous encore, mais il y aura une génération qui rendra à la Tunisie toute sa grandeur.</p> <p>Nous étions nombreux à croire à la déclaration du 7 Novembre 1987 quand M. Ben Ali disait qu'il n y aurait plus « d'injustices et de présidence à vie ». On était nombreux à croire que le Tunisien pouvait vivre depuis dans la dignité, avant de découvrir les témoignages ahurissants des prisonniers politiques. Ceux-là même qui les ont torturés dans le début des années quatre-vingts sont ceux qui les ont torturé au début des années quatre-vingt-dix et peut être aussi ceux qui continuent à les torturer dans ce troisième millénaire.</p> <p>A quoi ont servi les sacrifices des Tunisiens ?</p> <p>La dictature est toujours là et nous sommes réduits à un rôle de spectateurs voyeuristes qui rappelle le jour le plus long (de 1984 à 1987 selon l'expression de Sadri Khiari) en attendant l'issue d'une lutte de clans qui ne laisse profiler dans l'horizon aucun espoir d'ouverture pour le pays ?</p> <p>A quoi ont servi les sacrifices des Tunisiens ?</p> <p>C'est au nom d'un tel constat sombre qu'il y a aujourd'hui urgence à continuer dans ce travail de délégitimer les logiques dominantes que cette nouvelle génération de militants s'est si courageusement investie afin de forger une nouvelle culture citoyenne .au besoin dans la douleur. En dépit du Pouvoir, qui nous dit que les « Tunisiens ne sont pas murs pour la démocratie ! », et ces barons, qui nous disent que « l'opinion publique n'est pas suffisamment mature pour la liberté d'expression et qu'il faut en immuniser » !</p> <p>Sami Ben Abdallah<br> Rédacteur en chef de Tunisie Soir</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh1' id='nb1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='footnote'>1</a>] Le qualitatif de Mouvement contestataire décrit peut être mieux la nature de ce qu'on a appelé communément jusque là « le mouvement démocratique ». Car ce dernier est jusque là cantonné dans une logique de « résistance » et non « d 'opposition » à la dictature. En outre, il n'est pas dit que ce dernier est porteur d'un projet démocratique pour la Tunisie.</p></div>