Tunisie Réveille Toi ! http://www.reveiltunisien.org/ Site d'information et d'opinion sur la Tunisie fr SPIP - www.spip.net La Tunisie à la recherche d'un avenir http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article2326 http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article2326 2006-10-18T18:52:57Z text/html fr Fathi Chamkhi Conditions sociales Croissance économique Histoire tunisienne Libéralisme 16 septembre 2006 Le cinquantenaire de l'indépendance de la Tunisie, qui avait mis fin, en 1956, au « Protectorat » français établi en 1881, vient de passer dans l'indifférence générale ! Seule exception, le discours du général Ben Ali, maître absolu de la Tunisie, qu'il a débité devant quelques milliers d'« applaudisseurs professionnels », rassemblés pour l'occasion dans le Palais des congrès à Tunis, et retransmis en direct à la télévision. Dans son discours, Ben Ali s'est contenté de marteler les mêmes (...) - <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique42" rel="directory">Economie</a> / <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot32" rel="tag">Conditions sociales</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot46" rel="tag">Croissance économique</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot52" rel="tag">Histoire tunisienne</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot182" rel="tag">Libéralisme</a> <div class='rss_texte'><p>16 septembre 2006</p> <p>Le cinquantenaire de l'indépendance de la Tunisie, qui avait mis fin, en 1956, au « Protectorat » français établi en 1881, vient de passer dans l'indifférence générale ! Seule exception, le discours du général Ben Ali, maître absolu de la Tunisie, qu'il a débité devant quelques milliers d'« applaudisseurs professionnels », rassemblés pour l'occasion dans le Palais des congrès à Tunis, et retransmis en direct à la télévision.<br> Dans son discours, Ben Ali s'est contenté de marteler les mêmes assertions concernant la poursuite de l'« œuvre du développement intégral », tout en inventoriant les prétendus acquis des Tunisiens sous son « Ere nouvelle ». Ces allégations cachent mal le sentiment de ras-le-bol qui règne désormais dans le pays. Les Tunisiens, d'habitude peu enclins à la révolte, se sentent poussés à bout par un système économique qui les écrase et un pouvoir politique qui les étrangle. Désillusionnés, ils ne croient plus en l'avenir !<br> En effet, un demi-siècle de « gouvernement national » et d'efforts de développement, n'ont pas réussi à changer la donne de façon radicale en faveur de la majorité des tunisiens. Celle-ci est aujourd'hui obligée de trimer dans des conditions économiques et sociales de plus en plus pénibles, afin d'assurer un revenu minimum. Dans le même temps, toute contestation est sévèrement réprimée. Mais, face à la dictature, la majorité des Tunisiens préfère pour le moment avoir la tête ailleurs ; sa principale préoccupation, c'est de tenter de réussir à joindre les deux bouts. Les difficultés sont bien pires dans les rangs de la jeunesse qui est accablée par le chômage, la misère et le manque de perspectives d'avenir. Aujourd'hui, une majorité de jeunes n'a qu'une idée en tête : tout faire pour aller tenter sa chance en France, en Italie ou ailleurs en Europe.<br> Cette description sommaire de la situation générale en Tunisie, contraste avec une certaine image perçue de l'extérieur ; celle d'un pays qui réussit plutôt bien en affaires, qui paraît moderne et assez stable dans un environnement géopolitique contraignant. La réalité est beaucoup plus nuancée.</p> <h3 class="spip">LE LIBERALISME NE FAIT QU'EMPIRER LES PROBLEMES DE LA TUNISIE</h3> <p>Au cours d'un demi-siècle d'indépendance, la Tunisie a connu deux règnes : celui de Bourguiba (1956-1987), puis celui de Ben Ali (depuis 1987). A chaque règne correspond un modèle économique et social, mais un unique mode de gouvernement : la dictature.<br> Vers le milieu des années 80, le régime de Bourguiba était empêtré dans les difficultés économiques. Pour s'en sortir, il avait décidé, en 1984, la suppression des subventions aux produits de première nécessité, ce qui provoqua contre lui « la révolte de pain », obligeant ainsi Bourguiba à faire marche arrière. Dans la foulée, le régime fut rattrapé par la crise de la dette.<br> En 1986, il avait fini par adopter le Programme d'Ajustement Structurel (PAS), qu'il refusait quelques années plus tôt. Mais la crise économique s'était entre temps doublée d'une crise politique en rapport avec la succession du « Combattant suprême ». Le coup d'ةtat de Ben Ali (7 novembre 1987) était arrivé à point nommé pour remettre de l'ordre au sommet de l'ةtat, afin de rendre possible la mise en application des réformes néo-libérales.<br> Assez rapidement, Ben Ali arrime la Tunisie à la mondialisation néolibérale en la soumettant au consensus de Washington : en 1990, il adhère au GATT, puis à l'OMC en 1995 et, la même année, il signe un « Accord de Partenariat » avec l'Union Européenne qui vise à intégrer la Tunisie, à l'horizon 2008, dans la zone de libre échange de celle-ci.<br> De fait, la Tunisie est devenue un pays administré par des institutions impérialistes pour le compte du capital mondial, telles que la Commission Européenne, via la « Commission de Partenariat », et surtout les institutions de Bretton Woods à travers leurs « représentations techniques ».</p> <h3 class="spip">LA CENTRALITE DE LA QUESTION DE LA DETTE</h3> <p>La dette extérieure a joué un rôle éminemment important dans l'histoire moderne de la Tunisie. Elle fut, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, le principal prétexte pour la colonisation française de la Tunisie. L'Etat Beylical fut alors appâté par des emprunts généreux, que lui proposaient les cercles financiers français. Le Bey, mal conseillé, se laissa prendre au piège. En 1876, ses finances furent mises sous le contrôle d'une « Commission financière » franco-britannique. Quelques années plus tard, la France imposa son Protectorat colonial à la Tunisie.<br> De nos jours, la dette est devenue le principal vecteur du néocolonialisme. C'est ainsi que, sous les effets conjugués de l'échec de la politique de développement et ceux de l'impact de la crise de la dette, le pouvoir de Ben Ali a été amené à se soumettre aux directives et aux exigences des différentes institutions impérialistes. De source d'appoint pour le financement des programmes de développement, durant les premières années de l'indépendance, la dette est devenue aujourd'hui un fardeau économique et un argument politique de taille à la disposition de l'impérialisme.<br> Sous prétexte de sortir de la crise, de faire face aux paiements extérieurs et afin de relancer la croissance, Ben Ali s'est engagé dans un processus d'endettement massif.</p> <p>Entre 2001 et 2003, l'encours de la dette publique extérieure a progressé de façon significative, plus de 4,6 milliards de dollars (Mrds), bien plus que pendant les onze dernières années, où il n'a progressé que de 3,2 Mrds de dollars.<br> La charge de la dette par rapport au PNB se maintient à un niveau assez élevé ; soit 64,7%.<br> Le service de la dette cumulé depuis 1980, représente 28,5 Mrds de $ ; soit plus de 8 fois le montant de la dette initiale. Dans le même temps, les prêts nouveaux contractés par la Tunisie ont représenté 27 milliards de dollars ; en d'autres termes, elle est devenue exportatrice nette de capitaux.<br> Au cours des dix dernières années, le service de la dette a augmenté selon un rythme plus élevé que celui du PIB : 62,2% contre 43,4% : le surendettement est assez clair. De plus, au cours des dix dernières années, la Banque mondiale est devenue le principal créancier de la Tunisie. Ainsi, la part des crédits multilatéraux, contractés essentiellement auprès de cette institution, a progressé entre 1980 et 2003 de 12,3% à 34,4%, dans l'endettement total du pays. Cela a permis à cette institution impérialiste de tenir sous son joug des leviers essentiels de l'économie locale, et de prendre part dans la définition de la politique économique et sociale de l'Etat.<br> Enfin, l'argent des emprunts nouveaux sert d'abord à rembourser le service de la dette. La Tunisie se voit obligée de s'endetter afin de payer une dette qui ne diminue pas. Il apparaît donc bien difficile de soutenir l'assertion du régime qui justifie les nouveaux emprunts par la nécessité de financer un hypothétique développement. Rappelons à cet égard que le produit de la liquidation d'une bonne partie de l'appareil productif, à la suite de deux décennies de politique de privatisation, n'a pas excédé 1,4 Mrds de dollars ; soit une valeur inférieure au service de la dette de la seule année 2003 (1,6 Mrds de dollars). De plus, plus des trois quarts des entreprises privatisées l'ont été au profit du capital européen.</p> <h3 class="spip">DEFAILLANCE GRAVE AU NIVEAU DES LIBERTES DEMOCRATIQUES</h3> <p>L'absence quasi-totale des libertés démocratiques est de nature à aggraver une situation sociale bien difficile, et de rendre la recherche d'alternatives assez hypothétique. Le pouvoir tunisien qui n'est pas à une contradiction près, continue pourtant d'affirmer haut et fort qu'il est attaché aux valeurs démocratiques et qu'il s'attelle à les concrétiser dans toutes les sphères de la vie sociale tunisienne.<br> Au lendemain de son coup d'ةtat, en 1987, Ben Ali s'était engagé solennellement à supprimer la présidence à vie, qui fut instaurée par son prédécesseur, quelques années auparavant. Il avait même promis la libéralisation de la vie politique et l'instauration d'un ةtat de droit. Mais, dix huit ans plus tard, l'encadrement et le verrouillage policier de la société tunisienne n'ont jamais été aussi importants.<br> La société tunisienne semble aujourd'hui totalement désarmée face à la double dictature : celle du marché et celle de Ben Ali. Assez paradoxalement le dégoût des Tunisiens pour un régime en tout point haïssable, n'a d'égal que leur indifférence et leur désaffection totale des sphères dans lesquelles se décide leur avenir. Aujourd'hui, Ben Ali semble avoir gagné par KO contre la Tunisie ! L'avenir nous dira, peut être, si cette dernière a su trouver les forces suffisantes pour se redresser à nouveau.</p> <p>En cas de reproduction de cet article, mentionnez s'il vous plaît la source.<br> URL : <a href="http://www.cadtm.org/" class='spip_out' rel='external'>http://www.cadtm.org</a><br></p> <p>Fathi CHAMKHI (RAID Tunisie)</p></div> <div class="hyperlien">Voir en ligne : <a href="http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=2060" class="spip_out">http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=2060</a></div>