N ° 370

La Revue de Presse (RDP) est publiée quotidiennement sur le site www.reveiltunisien.org.


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fouednejm@hotmail.com et fouednejm@yahoo.com  


La revue de presse, ce sont les meilleurs articles des principaux quotidiens européens ainsi que les infos de dernière minute des agences de presse choisis pour vous en toute subjectivité par Ahmed fouednejm. Les URL de quelques articles du site de la télévision qatarie Al Jazeera (en arabe) et d'Al Quds Al Arabi (journal panarabe édité à Londres) seront également donnés.


Sommaire:

Partie arabe: (Al Quds Al Arabi) :

  1. "Un discours que le président Moubarak n'est pas habitué à entendre". Lettre ouverte très courageuse du médecin égyptien Abdel Kader Khlif http://www.alquds.co.uk/index.asp?fname=2003\03\03-26\a40.htm&storytitle=ff????%20???%20??????%20??????%20??%20?????%20??%20?????fff

Partie Française: (Le Monde, AFP, The Independent)

 

Au sommaire aujourd'hui 6 articles et dépèches du Monde (édition du 27 mars sauf indication contraire), de l'Independent et de l'AFP.

  1. Agression contre l'Irak : Reportage de Fisk à Bagdad, Porgression ralentie des troupes d'agression, Raid meurtrier,  La rupture Paris/Washington, Le site d'Al Jazeera "hacké", Mensonges autour de l'uranium nigérien, Traitement médiatique des images des prisonniers de guerre (Le Monde, AFP, The Independent). 

Achevée aujourd'hui à 18 H 40 GMT.

 

Bonne lecture !


 

 

I Agression contre l'Irak :

 

http://argument.independent.co.uk/commentators/story.jsp?story=390867 (traduction)

Robert Fisk: Pendant les interminables heures de la nuit, Bagdad tremble au rythme des grondements sourds des B-52

26 mars 2003

Les « tapis de bombes » des B-52 étaient audibles toute la nuit. C’était un grondement continu, sourd qui durait parfois pendant de longues minutes. Les objectifs visés, probablement les unités de la Garde Républicaine, devraient se trouver à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Mais chaque fois que ce sinistre bruit angoissant commençait, la pression de l’air changeait dans ma chambre d’hôtel, près du Tigre. J’ai mis quelques fleurs dans une vase à côté de la fenêtre et l’eau du vase ne cessait de s’agiter légèrement  durant toute la nuit, suivant le rythme des vibrations du sol et des airs. J’ai pensé : Que Dieu protège quiconque se trouve sous ce déluge de feu !

"Lorsque nous avons des soldats au front," nous a déclaré Tariq Aziz, le vice-premier ministre irakien, quelques heures auparavant, "vous croyez que nous allons les aligner pour qu’ils soient visés par vos troupes, n’est-ce pas?" A ces propos, nous avons tous éclaté de rire, mais maintenant je ne pouvais plus rire. Evidemment, la garde prétorienne de Saddam Hussein ne pouvait pas rester exposée au milieu du désert, avec des chars découverts et des soldats en plein air? Alors, quels objectifs les B-52 visaient-ils?

De temps en temps, je sortais ma tête de la fenêtre. De loin, au sud-ouest, parvenaient jusqu’ici, parfois le temps d’une seconde, une pale incandescence de couleur rouge menaçant. Une incandescence qui pouvait s’étendre sur plus d’un kilomètre et demi de superficie, puis disparaître soudainement, accompagnée d’une pénombre qui se perdait de nouveau dans l’obscurité. D’après ce que la  BBC avait annoncé au monde entier tôt le matin hier,  l’avant-garde des Marines était à seulement 100 kilomètres de Bagdad. Je pouvais facilement croire ça.

Les interminables heures de la nuit sont difficiles pour les Irakiens. Ils jouent aux cartes et dorent dès que le silence, entre deux raids aériens, le permettait. Je suis en train de lire la nuit une biographie de Sir Thomas More. Un livre  qui devient, peu à peu, terriblement appropriée au cauchemardesque drame de Bagdad. A quelques centaines de mètre de ma chambre d’hôtel, se trouve une statue du président Saddam,  la main droite levée pour saluer son peuple virtuel et  la main gauche au flanc,  comme dans une parade. Le jeune Thomas More en aurait tout de suite compris le sens. Un tyran, est un homme qui n’accorde aucune liberté à son peuple, qui est "gonflé par l’orgueil, mu par la soif du pouvoir,  poussé par la cupidité, transporté par le désir de célébrité".

Pourtant, hier matin, à 30 kilomètres de Bagdad, les Irakiens ordinaires, malgré l’absence des "anges-gardiens" qui nous poursuivaient partout, utilisaient les mêmes termes pour décrire George Bush. J’étais dans un endroit qui se  transformera, très probablement, en ligne de front pour la défense de Bagdad, peut-être à 15 kilomètres des endroits bombardés par les B-52 et à 50 kilomètres des unités de Marines les plus proches. Derrière moi, des colonnes de fumée noire, dégagée par les tranchées de pétrole incendié, montaient vers le ciel. Une tempête féroce, qui éclaboussait nos visages par des rafales de sable, donnait au ciel une couleur orange foncé, pas loin de la couleur du sang. La terre tremblait légèrement avec le  retour des B-52.

Un haut cadre d’une entreprise irakienne voulait nous expliquer comment les Américains avaient trop tôt crié à la victoire. "Tout au long de l’histoire, on a donné à l’Irak le nom de Mésopotamie," a-t-il dit. "Ce qui signifie 'le pays entre deux fleuves'. Vous pouvez dire que vous êtes en Irak seulement lorsque vous vous trouvez entre les deux fleuves. Le général Franks devrait savoir ça." Je suis désolé pour cet homme d’affaires, mais les Marines étaient hier en train de traverser l’Euphrate sous un déluge de feu à Nassiriya, alors que des centaines de femmes et d’enfants avaient fui leurs maisons qui se trouvaient entre les ponts du fleuve. Néanmoins, seulement une cinquantaine de  chars américains ont réussi à joindre la rive est,  pénétrant en "Mésopotamie". Ceci n’a pas entamé l’enthousiasme du bonhomme.

"Pouvez-vous imaginer l’effet que ça ferait si l’Irak sortait intact de cette guerre?" a-t-il demandé. "Cinq jours avait suffi pour que les Arabes soient vaincus par Israël durant la guerre de 1967. Les Irakiens étaient en train de combattre les hyper-puissants Américains depuis cinq jours mais nous avons tenu bon dans toutes les villes et nous ne nous rendrons pas. Et imaginez ce qui pourrait se passer si l’Irak capitulait. Y aurait-il une seule chance pour que les Syriens puissent résister à l’intransigeance israélienne? Quelles chances auraient les Palestiniens de négocier un règlement équitable avec les Israéliens? Offrir un solution équitable aux Palestiniens est le moindre des soucis des Américains. Pourquoi devraient-ils se soucier d’un règlement équitable avec les Irakiens?"

Celui qui était en train de parler n’était pas un membre du parti Baath. C’était un homme diplômé des universités de Manchester et de Birmingham. L’un de ses collègues a présenté un argument encore plus convaincant. "Nos soldats savent qu’ils n’auront pas droit à un traitement juste de la part des Américains," a-t-il dit. "C’est important qu’ils le savent. Peut-être n’aimerons-nous pas ce régime. Mais nous combattons pour notre pays. Les Russes n’aimaient pas Staline, mais ils ont mené sous ses ordres le combat contre les envahisseurs allemands. Nous avons une longue histoire de combat contre les forces coloniales, surtout contre vous, les Britanniques. Vous prétendez que vous êtes ici pour nous 'libérer'. Mais vous avez du mal à comprendre la situation. Ce qui est en train de prendre naissance est une guerre de libération contre les Américains et les Britanniques."

L’homme d’affaires voulait à présent parler de Saddam. "Nous, les Arabes, nous portons une grande valeur à notre dignité," a-t-il dit. "la moitié du livre de Lawrence d’Arabie 'Les sept piliers de la sagesse' parle de cette dignité arabe. Dans nos pays le populisme a pris le dessus sur la démocratie pour des raisons historiques. Saddam a assuré la sécurité de la société. Je ne risque rien aussi longtemps que je ne confronte pas le régime. Saddam est, peut-être, très sévère contre les opposants politiques, mais il est aussi sévère contre les criminels et tous les agresseurs, y compris les Américains."

La rhétorique du vice-président Taha Yassin Ramadan était encore plus prononcée hier. Il a parlé des "perfides agression et de invasion", et a exigé que les pays arabes aient recours à l’embargo pétrolier contre les USA et la Grande-Bretagne et rappellent leurs ambassadeurs à Washington  et Londres. L’espoir n’est pas interdit.

Mahomed Saleh, le ministre du commerce a accusé Kofi Annan, le secrétaire général de l’OUN d’avoir plié aux pressions américaines en empêchant les navires transportant des livraisons de vivres dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture » d’accoster en Irak– "Nous n’avons pas besoin d’aide humanitaire," a-t-il dit – et a souligné que le gouvernement irakien envoyait chaque jour 20 camions chargés de farine destinée à Bassora. Il a déclaré que des obus britanniques avaient détruit un dépôt  de farine à Bassora.

Mais d’autres informations préoccupantes sont parvenues du sud de l’Irak. Comment, par exemple, se fait-il que les corps de 100 Irakiens tués s’étalent sur dix kilomètres de route au nord de Nassiriya? Un correspondant français a parlé de l’odeur de chair brûlée sur la route, ajoutant qu’ils ne pouvaient savoir s’ils étaient des civils ou des militaires. Que s’est-il passé avec ces hommes, se demandent les Irakiens? Presque chaque guerre au Proche-Orient se termine par un carnage, une horrible routine qui hante les esprits.

Au crépuscule de la nuit dernière, la pression de l’air était en train de changer encore une fois, marquant le retour des B-52. Plus que jamais attentif aux conseils des autres, je m’attaquais aux pommes et aux bananes posées près de la fenêtre de ma chambre d’hôtel à Bagdad. Je me replongerai dans la biographie de Thomas More. Mais je suis obsédé par une pensée  étrange : si la guerre continue à faire rage lorsque j’arriverai à la fin du livre, si les bombardements et les tirs d’artillerie continuent lorsque la tête de Thomas More sera tranchée, alors il est fort possible que la tête du général Tommy Franks tombe, elle aussi.

SOURCE :THE INDEPENDENT

(traduit de l’anglais par Omar Khayyaâm)

 

http://infos.netscape.fr/info/NDepeche?id=136341&cat_id=3

26 mars, 16h44

Les Marines cibles d'embuscades et des éléments

par Luke HUNT et Ned PARKER
Les unités des Marines américains étaient confrontées mercredi à la fois aux combattants irakiennes et aux éléments, dans leur lente et difficile progression vers Bagdad.
Des unités du 1er Corps expéditionnaire des Marines (1MEF) remontaient au nord vers la ville d'Al-Kout et se trouvaient à une centaine de kilomètres au nord de Nassiriyah (350 km au sud-sud-est de Bagdad). Mais leur progression se déroulait toujours au milieu d'accrochages avec les forces irakiennes, a indiqué un officier américain.
Al-Kout se trouve à 150 km au sud-est de Bagdad, et autant au nord de Nassiriyah.
"Nous continuons à rencontrer des groupes qui nous résistent", a déclaré le colonel Ken Kelly.
Les Marines avaient notamment été pris sous le feu irakien en entrant dans Al-Chatra (60 km au nord de Nassiriyah), et avaient dû faire appel au soutien aérien d'un hélicoptère.
Un correspondant de l'AFP accompagnant les Marines a vu 20 à 25 cadavres d'Irakiens habillés en civil, ainsi qu'une vingtaine de camions, bus et voitures détruits dans Al-Chatra, transformée en ville fantôme.
Les Américains affirment que des combattants irakiens ont revêtu des habits civils pour harceler leurs troupes en se fondant dans la population.
Dans la matinée, les Marines avaient pilonné à l'artillerie des positions irakiennes au nord de Nassiriyah, ville stratégique qu'ils ont traversée mardi, au prix de violents combats.
Les affrontements de mardi ont fait des dizaines de morts côté irakien, dont les corps ont été vus par des journalistes. Aucun bilan précis n'était disponible côté américain.
D'autres unités du 1MEF avançaient vers Bagdad par une route plus à l'ouest (en remontant l'Euphrate), mais se heurtaient elles aussi à des embuscades, qui ralentissaient leur progression, selon un autre journaliste de l'AFP les accompagnant.
"Plus on s'approche de Bagdad, meilleures sont les troupes irakiennes", explique le caporal Ryan Bonzell, 22 ans. "Saddam a eu douze ans pour se préparer à la deuxième guerre du Golfe. Il a tout prévu et préparé."
Mais il estime que les premières pertes enregistrées n'entameront pas le moral des Marines: "Les pertes, c'est la réalité de la guerre".
Le lieutenant Jeremy Stalnecker, 26 ans, a lui aussi noté la combativité accrue des Irakiens. "Ils semblent mieux entraînés et organisés qu'au sud. Ici les gens ne se rendent pas".
En plus des embuscades, les Marines font face depuis mardi à une tempête de sable accompagnée d'orages qui a transformé leurs campements en bourbiers et rend la progression difficile, réduisant parfois la visibilité à quelques mètres et usant le matériel.
Les unités restées autour de Nassiriyah, devant laquelle les Marines avaient piétiné 72 heures, tentaient quant à elles de sécuriser une route contournant la ville.
Plusieurs compagnies de Marines faisaient évacuer mercredi les habitants d'un quartier des faubourgs de la ville, à partir duquel ils avaient été la cible d'attaques les jours précédents, selon un photographe de l'AFP.
Les Marines faisaient quitter leurs maisons aux habitants, défonçant les portes à coup de pied et fouillant les domiciles.
Ce quartier à l'est de la ville est situé dans une palmeraie et se trouve à proximité d'un hôpital dans lequel les militaires américains avaient découvert mardi des équipements militaires, des combinaisons et masques de protection contre des armes chimiques et capturé quelque "170 soldats irakiens non armés".
Les habitants du quartier, hommes, femmes, enfants et vieillards quittaient la zone sans résister avec quelques affaires.

http://infos.netscape.fr/info/NDepeche?id=136310

26 mars, 15h23

Raid meurtrier dans une rue commerçante du nord de Bagdad, combats au sud

Au moins deux missiles lancés par la coalition américano-britannique ont explosé mercredi vers 11H30 locales (08H30 GMT) dans une rue commerçante du nord de Bagdad, faisant 14 morts et une trentaine de blessés, selon la défense civile irakienne.
Une quarantaine de locaux et une douzaine d'habitations ont été totalement ou partiellement détruits, a constaté sur place un journaliste de l'AFP.
Au cours d'une conférence de presse, le ministre irakien de l'information, Mohammed Saïd Al-Sahhaf, a une nouvelle fois démenti le contrôle total du port de Oum Qasr (sud) par les forces anglo-américaines qui l'affirment depuis mardi. Il a toutefois admis que ces forces contrôlaient un quai du port.
Beaucoup plus que cela, a rétorqué en substance le ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, devant la Chambre des Communes. Saddam Hussein "a, dans les faits, perdu le contrôle du sud de l'Irak. Le régime doit savoir que ses jours sont comptés", a-t-il dit.
Sur le front sud, les forces de la coalition, génées par de difficiles conditions météorologiques mêlant pluie et tempête de sable, ont repris leur progression vers Bagdad.
Mercredi, les Marines américains ont atteint la ville de As-Chatra, à 60 km au nord de Nassiriyah, une ville stratégique sur l'Euphrate (350 km au sud de Bagdad), franchi la veille au milieu de violents combats, selon un journaliste de l'AFP accompagnant les troupes de la coalition.
Au cours de ces combats, 500 personnes ont été blessées et au moins 200 maisons détruites, a précisé le ministre Sahhaf.
Plus à l'ouest, à la hauteur de Najaf, l'une des villes saintes du chiisme (150 km au sud de Bagdad), les combats entre le 7eme régiment de cavalerie américain et les forces irakiennes se seraient soldés par la mort d'environ 650 Irakiens, selon un premier bilan établi par un officier de renseignement américain sur place. Les forces américaines n'ont enregistré aucune victime, selon lui.
Un avion de la coalition a été abattu dans la bataille de Najaf, a assuré le ministre Sahhaf.
A Bassorah, les organisations humanitaires s'inquiètent de la dégradation de vie des 1,2 million d'habitants, dont une partie se serait soulevée la veille contre les autorités locales, ce qu'a démenti Bagdad. Ce soulèvement a de nouveau été confirmé par le ministre Hoon devant la Chambre des Communes.
Après avoir envisagé de contourner Bassorah, la coalition américano-britannique n'exclut plus désormais de la prendre d'assaut. "Nous devrons probablement aller dans Bassorah et affronter toute résistance", a déclaré un porte-parole militaire britannique, le capitaine Al Lockwood.
Dans la capitale, outre les deux missiles au nord, la ville a subi plusieurs bombardements la nuit dernière et mercredi matin. Des émetteurs des deux chaines de télévision ont été détruits. L'une des deux chaines a cependant pu reprendre partiellement ses programmes après une interruption de 45 minutes.
Avant la chute des missiles, un porte-parole du Comité international de la Croix rouge (CICR) a estimé que ces bombardements avaient fait huit morts et 60 blessés.
Dans le nord du pays, des chasseurs bombardiers américains ont attaqué dans la nuit de mardi à mercredi les positions d'Ansar al-Islam, un groupe islamiste kurde que Washington accuse d'être lié au réseau terroriste d'Oussama ben Laden.
La ville de Mossoul a également été bombardée mercredi matin, selon le correspondant sur place de la télévision quatariote Al-Jazira.
Aux Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l'Onu devait se réunir mercredi en séance publique d'urgence sur la situation en Irak, à la demande de la Ligue arabe et du mouvement des Non alignés.
Parallèlement, George W. Bush devait recevoir son allié britannique, le Premier ministre Tony Blair, à Camp David (Maryland). La veille, le président Bush a demandé au Congrès une rallonge budgétaire de 74,7 milliards de dollars (70,13 mds euros) pour financer le conflit et des mesures de protection contre les attentats aux Etats-Unis.
Avant son départ, Tony Blair a mis en garde les officiers irakiens qui utiliseraient des armes de destruction massive contre les troupes alliées. "Ils seront poursuivis avec la plus grande sévérité" après le conflit, a-t-il dit.
A Moscou, le chef de la diplomatie russe Igor Ivanov a une nouvelle fois dénoncé l'opération anglo-américaine en Irak, affirmant qu'elle n'était "pas légale" et, en tout état de cause, "vouée à l'échec".
Les manifestations contre la guerre se sont poursuivies à travers le monde, plus particulièrement en Asie, en Thaïlande, en Corée du sud et en Australie où elles ont pris un tour violent.
Mercredi à 11H00 GMT à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord valait 25,69 dollars, en hausse de 88 cents par rapport à la clôture mardi, à 24,81.

 

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314351-,00.html

Paris-Washington, les dessous d'une rupture

 

Jamais, depuis la fin de la guerre froide, un affrontement entre alliés n'a été aussi dur. Comment, en dix-huit mois, malentendus, méfiance et ambiguïtés sur l'Irak ont empoisonné les relations transatlantiques et conduit le tandem Chirac-Villepin à s'opposer ouvertement à l'ensemble de l'équipe Bush.

C'est l'histoire d'un couple qui traverse une mauvaise passe. Lui dit : "Ça ne va pas. Vraiment pas. Nous sommes en crise." Elle répond : "Mais non, je t'assure, ce n'est rien, tout ira bien." Y a-t-il crise ? Evidemment !, répond l'interlocuteur américain qui nous conte cette métaphore.

"Si l'un des deux partenaires a le sentiment d'une crise, la crise existe, même si l'autre refuse de la voir." Et, aujourd'hui, dans la relation transatlantique, au moment où soldats américains et britanniques mènent seuls la guerre contre l'Irak, "les Français sont en déni total".

Le couple franco-américain, donc, est en crise. Bénigne, selon Paris – un incident de parcours dans un ménage qui en a vu d'autres. Profonde, selon Washington, la première vraie crise au sein de la famille transatlantique depuis la fin de la guerre froide. La première crise Ouest-Ouest, depuis qu'il n'y a plus de crises Est-Ouest.

Les amis du couple ne sont guère étonnés que la crise ait éclaté à propos de l'Irak, une vieille connaissance. Dans les années 1970, déjà, c'était un sujet sensible. La France, et en particulier son premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, s'intéressait beaucoup à l'Irak et à son dirigeant, Saddam Hussein, tandis que les Etats-Unis soutenaient son voisin, le chah Reza Pahlavi, en Iran. Bien plus tard, en 1991, la France a engagé 10 000 hommes aux côtés des forces américaines pour repousser l'invasion irakienne du Koweït. Mais, depuis, cette belle union s'est quelque peu fissurée sur l'Irak, la France cherchant à renouer avec Bagdad alors que les Américains campaient sur une attitude de profonde méfiance. Le sujet est régulièrement revenu au Conseil de sécurité tout au long des années 1990. "Chaque fois que nous avons eu à négocier une résolution sur l'Irak, la France a été l'interlocuteur le plus difficile", affirmera plus tard Madeleine Albright, qui fut la représentante des Etats-Unis à l'ONU avant de devenir secrétaire d'Etat de Bill Clinton.

Les amis du couple ne sont pas étonnés non plus que cette crise ait eu pour théâtre le Conseil de sécurité : c'est le seul forum, finalement, où les deux pays sont à égalité, chacun disposant d'un des cinq sièges de membre permanent. La France, là, s'y bat à armes égales avec les Etats-Unis. Et c'est ainsi que, à l'automne 2002, après des mois de signaux américains sur la volonté de Washington de remettre Saddam Hussein au pied du mur, s'engage à New York une bataille décisive entre les deux pays sur la manière de gérer le dictateur irakien. Sur la base d'entretiens à Paris, New York et Washington avec plusieurs acteurs de cette crise – dans les deux camps –, qui ont tous requis l'anonymat, Le Monde a reconstitué le fil de cet affrontement sans précédent, lourd de malentendus, d'ambiguïtés et d'erreurs de calcul, qui a spectaculairement divisé l'Europe et accru l'isolement des Etats-Unis.

LE CHOC DU 11 SEPTEMBRE 2001

Après quelques échanges acides sur "l'hyperpuissance" américaine, le 11 septembre 2001 ressoude un temps le couple. C'est l'époque où les Français se sentent "tous américains". Par un hasard du calendrier, Jacques Chirac est le premier chef d'Etat étranger à se rendre à Washington après les attentats. L'élection présidentielle en France est dans sept mois, et l'Elysée a prévu une série de voyages pour mettre en valeur la stature internationale de M. Chirac. La visite, les 18 et 19 septembre 2001, se passe bien, avec un dîner assez chaleureux réunissant à la Maison Blanche, côté français, M. Chirac, son conseiller diplomatique Jean-Marc de La Sablière, Hubert Védrine, le ministre des affaires étrangères, et l'ambassadeur de France à Washington, François Bujon de l'Estang ; aux côtés du président George W. Bush, son vice-président, Richard Cheney, sa conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice, et le secrétaire d'Etat, Colin Powell.

MM. Chirac et Védrine ont alors deux préoccupations, dont ils font part à leurs hôtes. D'abord, ils souhaitent que la riposte des Américains se limite à l'Afghanistan, sans s'étendre aux "Etats qui patronnent le terrorisme", selon la formule utilisée par Paul Wolfowitz, le numéro deux du Pentagone, le 13 septembre, et dont ils soupçonnent qu'elle vise, après l'Afghanistan, la Syrie ou, naturellement, l'Irak. Ensuite, ils veulent s'assurer que les Etats-Unis vont agir seuls et sans précipitation : les Français ne tiennent pas, à ce moment-là, à engager des forces sous commandement américain dans une guerre menée, sous le coup de l'émotion du 11 septembre 2001, dans un pays misérable. Ce n'est que plus tard que viendra le reproche, adressé aux Américains, de ne pas associer leurs alliés. Les Français disent aussi à l'équipe Bush qu'une des leçons à tirer des attentats est la nécessité de réengager les Etats-Unis dans la recherche d'un règlement entre Israéliens et Palestiniens.

Jacques Chirac revient à Washington le 6 novembre 2001, alors que les combats font rage en Afghanistan. Il explique à M. Bush que faire la guerre n'est pas tout, qu'il faut préparer l'avenir politique de l'Afghanistan, renforcer les secours humanitaires. L'image des Etats-Unis ou, plus précisément, celle de son équipe dirigeante, se dégrade en Europe. M. Chirac insiste, de nouveau, sur la question palestinienne. Le désaccord politique, voilé par l'émotion du 11 septembre 2001, redevient perceptible.

Jacques Chirac et George W. Bush n'ont jamais vraiment accroché, même s'ils ont des traits communs, le côté non intellectuel, un certain populisme. Question de génération : Chirac a bien connu Bush père, c'est un ami de "Dad". Toujours est-il qu'au lendemain de cette deuxième visite à Washington, où Tony Blair arrive sur les talons de Jacques Chirac, la Maison Blanche laisse filtrer que le chef de l'exécutif n'est pas à l'aise avec le président français, qu'il trouve "pompeux", alors qu'avec Blair tout est si simple et direct. De son côté, Chirac prend assez vite en grippe Richard Cheney, considéré à Paris comme le chef des "faucons" – "Ce que dit M. Cheney ne m'intéresse pas", déclarera-t-il de façon lapidaire au New York Times en septembre 2002 –, et Condoleezza Rice, dans laquelle il voit l'inspiratrice de la pensée dogmatique de l'administration Bush.

LA MONTÉE DU DÉBAT IRAKIEN

Fin janvier 2002, une conférence sur l'Irak, organisée par le Centre d'études sur la France et les Etats-Unis, réunit à la Brookings Institution, à Washington, des experts des deux pays. Il y a là Richard Haass, le chef du Policy Planning Staff du département d'Etat, quelques "faucons" washingtoniens, dont Bill Kristol et Patrick Clawson, des chercheurs français et deux hauts responsables du Quai d'Orsay. Les Américains y parlent librement d'invasion militaire de l'Irak, de changement de régime à Bagdad, de remodelage du Proche-Orient... "Il n'y avait plus aucun tabou", se souvient un participant. Les Français sont stupéfaits. Le soir même, le 29 janvier, le président Bush dénonce, dans son désormais célèbre discours sur l'état de l'Union, "l'axe du Mal" qui relie Bagdad, Pyongyang et Téhéran. A Paris, c'est l'effervescence. Hubert Védrine dénonce le "simplisme" de la vision américaine et reçoit en retour le quolibet du général Powell sur ses "vapeurs". Le Quai d'Orsay organise des séances de "brainstorming" sur l'Irak, où les différents scénarios américains sont envisagés.

Discrètement, les Français font passer le message aux Irakiens : il est plus que temps de reprendre la coopération sur les exigences de désarmement, sous peine de très désagréables surprises... Aux Etats-Unis, le débat monte sur l'Irak et fait apparaître au grand jour la ligne de fracture entre durs et modérés. La France, occupée par les élections d'avril-mai 2002 puis le changement de gouvernement, est absente du débat. Mais, au fil de l'été, note un responsable français, "on acquiert le sentiment que les Américains veulent y aller sans les Nations unies". Inquiet, Bush père fait donner dans la presse toute une batterie d'anciens conseillers : Brent Scowcroft, James Baker, Larry Eagleburger, le général Schwarzkopf partent à l'assaut des pages éditoriales des journaux pour plaider la modération et la voie onusienne. Le 5 août, M. Bush dîne avec Mme Rice et Colin Powell, le chef de la diplomatie américaine, pour évoquer cette approche. Recevant son fils pour un week-end de pêche à Kennebunkport, dans le Maine, George Bush père lui suggère, selon une très bonne source, de "passer plus de temps avec Colin Powell", connu pour ses opinions modérées face aux "faucons". Ce qu'il fera début septembre, en invitant discrètement M. Powell dans son ranch de Crawford, au grand déplaisir de MM. Cheney et Rumsfeld, le secrétaire à la défense. En réalité, sous la triple influence de son père, de Colin Powell et de Tony Blair, et conscient des préoccupations de son électorat exprimées par les sondages, George W. Bush est en train d'opter pour le passage par l'ONU.

En Allemagne, le chancelier Gerhard Schröder, en pleine campagne électorale, clame haut et fort que son pays ne participera en aucun cas à une "aventure" militaire américaine en Irak. Cette annonce déclenche la fureur des responsables américains et une virulente campagne antigermanique aux Etats-Unis.

Les tout derniers jours d'août, le nouveau ministre français des affaires étrangères, Dominique de Villepin, préside à Paris la conférence annuelle des ambassadeurs de France. Il y est, évidemment, question de l'Irak, notamment lors d'un déjeuner qui lui est spécifiquement consacré. M. de Villepin affirme qu'"aucune action militaire ne peut être menée sans une décision du Conseil de sécurité". Dans la foulée de cette réunion, Paris juge utile de formuler une ligne de conduite claire. "On est piégés, confie alors un responsable français au New York Times à Paris. D'un côté, il y a les Américains et les Anglais. De l'autre, les Russes et les Chinois. On doit choisir notre camp. Au bout du compte, on voudra se réengager en Irak, on y a construit une relation stratégique, c'est un marché. Nous voulons le pétrole et nous voulons participer à la reconstruction du pays. S'il y a un nouveau régime et que nous n'y sommes pas allés avec les Américains, où serons-nous ?"

L'Elysée choisit de formuler sa ligne sur l'Irak dans une longue interview du président Chirac au New York Times qui sera publiée le 9 septembre 2002. La cellule diplomatique suggère "l'approche en deux temps" pour fixer un cadre légal, onusien, à une éventuelle intervention armée en Irak, approche que M. Chirac énonce très clairement : il s'agit de proposer une résolution au Conseil de sécurité qui donnerait un délai de trois semaines à l'Irak pour accepter les inspecteurs en désarmement "sans restrictions ni préconditions", puis, en cas de refus ou de non-coopération de Saddam Hussein, de présenter une seconde résolution pour autoriser le recours à la force. C'est la voie médiane entre Blair et Schröder : la France ne dit pas non à une intervention militaire américaine en Irak, à condition que cela se fasse dans le cadre de l'ONU et sous le strict contrôle du Conseil de sécurité. Trois jours plus tôt, le 6 septembre, M. Chirac en a parlé au téléphone avec M. Bush, de manière, dit-il, "chaleureuse et amicale". Le jour de la parution de l'entretien, on fête à Washington les cinquante ans de l'un des vénérables think tanks de la capitale, le CSIS (Center for Strategic and International Studies), et l'un des pontes du département d'Etat, Richard Armitage, y est l'invité d'honneur. Il relève que l'initiative de l'Elysée "semble marquer une évolution de la France dans le bon sens". "Si c'est le cas, ajoute-t-il, je m'en réjouis."

La dynamique est enclenchée. Le 12 septembre, dans un grand discours à l'ONU, le président Bush se dit prêt à "travailler" avec le Conseil de sécurité pour faire face à la menace irakienne. Mais si Saddam Hussein ne plie pas, ou si les membres du Conseil ne parviennent pas à un accord, prévient-il, les Etats-Unis agiront seuls. Paris se félicite de ce que M. Bush se soit placé "dans le cadre multilatéral".

SEPT SEMAINES ET DEMIE POUR LA 1441

Les diplomates se mettent à l'œuvre pour sommer Saddam Hussein de désarmer. A New York, Colin Powell a désormais en face de lui, à la place d'Hubert Védrine, avec lequel le courant passait mal, un Dominique de Villepin souriant et plein d'allant. Ils se sont rencontrés à Reykjavik, à la mi-mai, lors d'une réunion de l'OTAN, et le contact a été bon. Ancien conseiller de presse à l'ambassade de France à Washington, le nouveau chef de la diplomatie française ne lésine pas sur l'utilisation des médias ; il a pris soin, fin août, de confier à la presse américaine toute l'admiration qu'il éprouve pour l'Amérique et, pour bien se démarquer de Védrine, évoque ce "choix tactique" : "Washington s'attend à ce que nous réagissions négativement, et nous avons décidé de ne pas lui donner raison." Tout va pour le mieux. La négociation de la résolution 1441, censée, aux yeux des Français, être la première de deux, commence.

Les Français gardent un très bon souvenir de cette négociation de l'automne 2002. Les Américains, eux, ne retiennent aujourd'hui que "sept semaines et demie de frustrations". Les discussions achoppent sur la notion d'automaticité du recours à la force. Colin Powell fait valoir à Dominique de Villepin que, plus il pousse pour une deuxième résolution, plus il lui complique la vie avec les "durs" de Washington ; les deux hommes nouent pendant cette négociation une vraie relation personnelle, presque amicale.

Ils se téléphonent chaque jour, parfois plusieurs fois par jour. A la mi-octobre, un compromis est trouvé. Paris renonce à une seconde résolution, Washington renonce à un recours automatique à la force et accepte que le Conseil de sécurité se réunisse de nouveau pour "considérer" la situation si l'Irak refuse d'obtempérer.

Le 8 novembre, la résolution 1441 est votée à l'unanimité. Jacques Chirac s'y est activement employé, et a encore appelé George W. Bush la veille pour faire lever "une dernière" ambiguïté dans le texte. Tout le monde est très content. Colin Powell peut faire valoir à Washington les bienfaits du multilatéralisme. L'Elysée s'est hissé sur le devant de la scène internationale, estime avoir sauvé l'ONU et pense qu'en mettant l'accent sur l'exigence de désarmement de l'Irak, la résolution fait passer au second plan la revendication de changement de régime à Bagdad.

En réalité, on nage dans l'ambiguïté. "Au bout de sept semaines et demie, au lieu de résoudre nos divergences, on les a obscurcies", relève-t-on côté américain. Les Français pensent que les Américains sont prêts à jouer la carte des inspections jusqu'au bout, et qu'on a le temps. Les Américains pensent que les Français soutiendront le recours à la force si les inspections ne sont pas concluantes, et que le temps presse. "C'est vrai, reconnaît un responsable français, c'était plein d'ambiguïtés. Mais on se disait, on verra, demain est un autre jour." "On a fait semblant de faire un bout de chemin ensemble", résume un autre.

LE TOURNANT DE JANVIER

Les masques tombent en janvier 2003. En décembre, la France a changé d'attelage diplomatique : Jean-David Lévitte, l'ambassadeur à l'ONU, part pour Washington, où il remplace M. Bujon de l'Estang, qui prend sa retraite du Quai d'Orsay après sept ans aux Etats-Unis. Tous deux passent pour de fervents partisans du dialogue avec les Etats-Unis. A l'ONU, Jean-Marc de La Sablière, moins extraverti que son prédécesseur, prend la relève.

Les Etats-Unis ont commencé à déployer leur dispositif militaire. Début décembre, ils ont envoyé des délégations dans les capitales alliées pour solliciter des contributions militaires. En France, le sous-secrétaire d'Etat, Mark Grossman, est accueilli très fraîchement : ce n'est pas le moment, fait savoir l'Elysée. A Paris, les militaires poussent, agacés de voir les Britanniques se préparer à la guerre. Le 20 décembre, ils annoncent que le porte-avions Charles-de-Gaulle sera prêt fin janvier à partir en tournée. Le 7 janvier, dans ses vœux aux armées, Jacques Chirac demande aux militaires français de "se tenir prêts à toute éventualité" en 2003 ; juste avant lui, le chef d'état-major des armées, le général Henri Bentegeat, affirme que "tout semble se conjuguer pour que les armées soient encore fortement mobilisées en 2003". Des deux côtés de l'Atlantique, ces commentaires sont aussitôt interprétés comme une inflexion en faveur d'un soutien à la guerre. L'après-midi même, dans ses vœux au corps diplomatique, le chef de l'Etat renverse la vapeur : "La décision d'utiliser la force, rappelle-t-il, doit être prise par le Conseil de sécurité de l'ONU, sur la base d'un rapport motivé des inspecteurs." Pour les Américains, cette fois-ci, c'est clair : M. Chirac ne veut pas y aller.

De son côté, courant janvier, Paris acquiert la quasi-certitude que Washington est déterminé à intervenir militairement en Irak, quelles que soient les circonstances. Les Américains s'en rendent compte. Le 13 janvier, le conseiller diplomatique de Jacques Chirac, Maurice Gourdault-Montagne, se rend à Washington, y rencontre notamment Condoleezza Rice et Paul Wolfowitz ; il en revient "instruit". La réunion du Conseil de sécurité du 27 janvier, consacrée au rapport de Hans Blix, le chef de la commission d'inspection, se profile, "et on a le sentiment que ce rapport va être difficile pour nous", confie un responsable français.

Les Français, qui président le Conseil de sécurité, pensent donc qu'il faut reprendre l'initiative. Ils convoquent pour le 20 janvier une réunion ministérielle contre le terrorisme, pour rappeler que l'Irak n'est pas le seul problème de la planète. Colin Powell ne veut pas y aller, le 20 est férié aux Etats-Unis, le Martin Luther King Day, il a d'autres obligations qui lui tiennent à cœur. M. de Villepin, au téléphone, insiste, insiste, insiste, lui promet que cela vaut la peine. Powell finit par céder, par amitié, précise-t-on à Washington. Le 19 au soir, ils dînent ensemble. "Dominique" explique à "Colin" que Paris est préoccupé par le déploiement du dispositif militaire. Colin Powell lui fait part, selon un témoin, de la "détermination" de Washington.

POWELL PIÉGÉ PAR VILLEPIN

Le 20 janvier, pendant la réunion qu'il préside, Dominique de Villepin évite de parler de l'Irak, mais d'autres, dont l'Allemand Joschka Fischer, le font. A la sortie, Colin Powell a la mine défaite. Il n'est pourtant pas au bout de ses peines : dans la salle de presse, le ministre français non seulement évoque l'Irak, mais il le fait en des termes catégoriquement opposés à la position américaine : "Rien ne justifie aujourd'hui d'envisager une action militaire", déclare-t-il, en rejetant l'"aventure" et le "raccourci militaire" que proposent "nos amis américains". A un journaliste qui évoque la possibilité d'un veto français, il répond : "nous irons jusqu'au bout." Rentré à Washington, Colin Powell est "furieux" de cette "embuscade diplomatique", pour reprendre l'_expression du Washington Post, qui l'affaiblit dans sa bataille contre les "faucons". C'est la première fois qu'il entend les Français dire clairement "non" - comme les Allemands. Aujourd'hui, les Français minimisent l'incident. "Très exagéré", estiment-ils. Pour les Américains, en revanche, c'est un tournant décisif : la relation Powell-Villepin est brisée. Les dés sont jetés.

Les deux hommes ont une nouvelle conversation, le 5 février, lors d'un déjeuner qui suit la fameuse démonstration des "preuves" de Colin Powell à l'ONU. Selon le récit qu'en font ses collaborateurs, M. Powell revient de cet entretien effaré, et dit : "Nous n'avons pas d'interlocuteur à Paris." M. de Villepin se serait conduit de façon étrange, s'emportant et se dressant au-dessus de la table pour sermonner le secrétaire d'Etat. "Colin Powell n'aime pas ça, explique une source au département d'Etat. Il considère qu'un homme d'Etat doit toujours garder son calme. Les coups de colère, c'est plutôt le style de Bush, et c'est un aspect de son style que Powell n'apprécie pas." Selon un ambassadeur non européen, M. de Villepin s'est simplement livré à l'un de ses discours "passionnés", sur les méfaits de la guerre - une tirade qui ne pouvait qu'irriter l'ancien soldat qu'est Colin Powell. Celui-ci l'interrompt sèchement.

Le 22 janvier à Versailles, Jacques Chirac et Gerhard Schröder célèbrent le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. Dans l'effusion, les embrassades et la chaleur de l'amitié, ils soulignent ostensiblement leur identité de vues sur l'Irak. Les Américains sont exaspérés : "La France et l'Allemagne, c'est la Vieille Europe", riposte Donald Rumsfeld.

TENSIONS À L'OTAN

Chirac en fait-il trop ? Plus d'un diplomate français commence à se poser la question. "Depuis le début, l'antiaméricain, dans cette affaire, c'est Chirac, confie l'un d'eux. Il n'a jamais voulu entendre parler de cette guerre." Au Quai d'Orsay, la ligne de confrontation adoptée par le chef de l'Etat met mal à l'aise les partisans du dialogue atlantique. Grand adepte de la conciliation, l'ambassadeur Lévitte paraît parfois en porte-à-faux avec la stratégie de Paris. Cette différence d'approches va être particulièrement sensible en février, alors que, à l'OTAN à Bruxelles, la France, l'Allemagne et la Belgique s'opposent pendant un mois à l'octroi de mesures de protection réclamées par la Turquie, estimant que l'aide demandée par Ankara ferait entrer l'Alliance "dans une logique de guerre" avec l'Irak. Malgré les objurgations d'une partie de l'establishment du Quai d'Orsay, dans un moment de grande tension, l'Elysée tient tête dans cette affaire qui se termine par un mini-fiasco, puisque la France, isolée, finit par accepter que la mesure soit prise dans le cadre du comité des plans de défense, au sein duquel elle n'est pas représentée.

Pourquoi M. Chirac est-il si en pointe sur la crise irakienne, au point d'y consacrer pratiquement tout son temps ? Jacques Chirac, explique quelqu'un qui le connaît bien, est très irrité par l'administration Bush. Très à l'écoute de ses amis arabes, il a mal vécu l'indifférence de Bush au conflit israélo-palestinien, son alignement sur la politique de Sharon, son attitude sur le traité de Kyoto, son unilatéralisme. "Il en a ras le bol." A un moment où il dispose enfin de tous les leviers de commande politiques, il a cinq ans devant lui, il est, avec M . de Villepin, le seul maître à bord sur la politique étrangère, la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, ne pesant pas en la matière. Il a donc les coudées franches. Certains partisans s'inquiètent pourtant de les voir, lui et Dominique de Villepin, se laisser "griser" par l'euphorie. "Chirac et Villepin s'additionnent au lieu de se compléter, remarque l'un d'eux. Au lieu de modérer Chirac, Villepin l'amplifie. On dirait deux officiers de cavalerie" Quand le ministre est applaudi au Conseil de sécurité, le 14 février, le président est l'un des premiers à l'appeler pour le féliciter.

Ce que les Américains ne pardonnent pas aux Français, ce n'est pas seulement d'avoir épousé la position de l'Allemagne, c'est d'avoir "fait campagne" contre les Etats-Unis, d'avoir dynamisé et organisé le front du refus. Ils se sentent "trahis" par cette attitude "inamicale". Plus profondément, ils expliquent la brouille franco-américaine par une "différence de perception de la menace issue du 11 septembre", menace dans laquelle les Etats-Unis incluent l'Irak. Ce que les Français ne pardonnent pas aux Américains, et encore moins aux Britanniques, c'est de leur faire porter le chapeau de la fracture à l'ONU et de n'avoir eu qu'un objectif : le changement de régime à Bagdad.

Colin Powell et Dominique de Villepin ont renoué les relations. Leurs coups de téléphone n'ont sans doute plus la même chaleur, mais ils sont "cordiaux", affirme-t-on à Paris. Jacques Chirac et George Bush, eux, ne se sont plus parlé depuis le 7 février.

La crise peut-elle mener au divorce ? Les diplomates ne veulent pas y penser. A Washington pourtant, au sein des élites politiques, y compris démocrates, le ressentiment est vif. L'avenir, maintenant, c'est la reconstruction de l'Irak - l'occasion, peut-être, de se réconcilier. Ou de livrer une nouvelle bataille ? 

Patrick Jarreau, Sylvie Kauffmann et Corine Lesnes

 

http://fr.news.yahoo.com/030326/1/346cf.html

mercredi 26 mars 2003, 13h47

Le site d'Al-Jazira bloqué après des attaques de pirates de l'informatique

DOHA, 26 mars (AFP) - Le site internet Al-Jazira du Qatar est bloqué depuis mardi matin par des attaques de pirates de l'informatique et ses techniciens tentent de le rétablir, a-t-on appris mercredi auprès de la chaîne du Qatar.

Le rédacteur en chef de l'édition électronique d'Al-Jazira, Abdel Aziz Al-Mahmoud, a parlé d'attaques "massives", précisant, dans une déclaration à l'AFP, que le site avait été bloqué après la diffusion controversée d'images de corps de soldats américains tués dans les combats dans le sud de l'Irak.

D'autre part, des responsables de la chaîne ont affirmé que la couverture de la guerre en Irak avait entraîné une avalanche de nouveaux abonnements, notamment en Europe.

L'un de ces responsables, cité par le quotidien Asharq Al-Awsat, a affirmé qu'Al-Jazira avait attiré quelque 4 millions de nouveaux téléspectateurs, à ajouter aux 40 millions qu'elle a déjà à travers le monde.

Au total, Al-Jazira dispose de huit équipes en Irak et est la seule à être présente à Bassorah, la grande métropole du sud, aux portes de laquelle campent les forces de la coalition américano-britannique.

 

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3208--314326-,00.html

 

Le ventre de «une»

L'"uranium nigérien pour l'Irak": un grossier montage ?

 

New york de notre correspondante

Le 7 mars, le directeur de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, s'était taillé un certain succès à l'ONU en annonçant en plein Conseil de sécurité avoir découvert un faux document parmi les "preuves" présentées par les autorités britanniques et américaines contre l'Irak. OAS_AD('Position1');

Mais la presse américaine commence à remonter le fil qui a conduit Londres et Washington à accuser l'Irak d'avoir tenté d'acheter de l'uranium au Niger. "Le gouvernement britannique a appris que Saddam Hussein a tenté récemment de se procurer des quantités significatives d'uranium", déclarait George W. Bush, le 28 janvier. Le secrétaire d'Etat, Colin Powell, avait ensuite indiqué que les documents avaient été remis aux inspecteurs "de bonne foi".

La presse américaine s'étonne qu'un faux aussi "grossier" ait pu traverser les filtres des services de renseignement américains, pour aboutir dans le discours de George W. Bush. L'un des investigateurs du New Yorker, Seymour Hersh, a enquêté, ainsi que le Washington Post. Le faussaire n'a pas encore été identifié. Mais Seymour Hersh estime qu'il pourrait s'agir du MI 6, le service secret britannique. Quant à la première trace d'un lien entre l'Irak et le Niger, elle remonte à un voyage à Niamey de l'ambassadeur irakien en Italie, en 1999. Un officiel nigérien aurait montré les documents aux services italiens, lesquels en auraient fait un résumé pour Londres et Washington.

Pourtant, dit Seymour Hersh, le montage sautait aux yeux : une lettre datée d'octobre 2000, par exemple, portait le nom d'un ministre des affaires étrangères qui n'était plus en poste. Certains responsables, à la CIA, n'ignoraient pas que le document fût douteux. Des parlementaires ont demandé au FBI d'enquêter sur ce qui pourrait faire partie d'une "campagne plus large de manipulation de l'opinion", selon le sénateur démocrate, John Rockefeller. Cela permettrait "au minimum de dissiper tout soupçon" sur l'éventuelle responsabilité du gouvernement dans la fabrication des faux. Le représentant républicain, Henry Waxman, a, de son côté, demandé à M. Bush d'expliquer pourquoi ces "preuves" avaient été présentées au peuple américain sans "mentionner les doutes de la CIA".

Corine Lesnes

 

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3230--314200-,00.html (édition du 26 mars 2003)

Face aux images de morts et de prisonniers, les télévisions hésitent

 

Les réseaux américains, excepté CBS, n'ont pas montré les GI capturés ou tués par les Irakiens. En Europe, les télévisions ont opté parfois pour des cadrages larges, de courtes séquences et des visages rendus flous. En forte concurrence, des chaînes arabes ont choisi de tout montrer

La longue séquence filmée par la télévision d'Etat, Irak TV, montre les cadavres d'au moins cinq soldats américains mais aussi des blessés, hagards, interrogés sans vergogne. Cette scène a été diffusée pour la première fois "en exclusivité" par la chaîne Al-Jazira, dimanche 23 mars vers 16 h 30, heure de Paris.

Avant d'être reprise un peu partout dans le monde sous des formes variables.

Face à ces images qui "violent la convention de Genève censée protéger la dignité des prisonniers de guerre", a affirmé le secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, les rédactions qui n'ont pas manqué d'observer que les images des prisonniers irakiens n'avaient pas, la veille, suscité le même type de commentaire, ont hésité avant de décider, finalement, de les diffuser.

Les chaînes françaises.

A TF1, les prisonniers ont tout de suite été vus sur Al-Jazira, et, " à la différence d'il y a dix ans, nous nous sommes demandé ce que nous faisions avec ces images et ces sons", rapporte Robert Namias, le directeur de l'information. Partant du principe qu'à la télévision l'image "authentifie le propos", TF1 a décidé de diffuser des images "floutées" des prisonniers et des "cadrages larges"des corps étendus sur le sol, "sans s'appesantir". Conscient de ne pas avoir procédé de la même façon la veille avec les images de prisonniers irakiens, M. Namias a fait "maquiller" les archives afin qu'elles ne permettent plus de reconnaître les individus.

A France 2, on prépare la "spéciale" de 18 heures quand les images arrivent. Après discussion, "on a décidé de supprimer toutes les images de corps qui dénotaient une volonté de mise en scène spectaculaire", explique Olivier Mazerolle, le directeur de la rédaction. "Réciprocité fait loi", affirme-t-il, les prisonniers interrogés sont donc montrés (sans leurs voix). Changement de cap, lundi matin, les visages sont "floutés", une décision du rédacteur en chef du matin.

A France 3, la réaction est immédiate. "Les Irakiens ont, là, de quoi administrer une solide contre-offensive médiatique", indique Hervé Brusini, le responsable de l'information. Dénonçant "les questions de propagande" posées par le journaliste d'Irak TV, l'équipe décide de montrer les prisonniers, "mais de façon rapide", dans le flash de 18 h 45, puis au "JT" de 19 h 30. On choisit, aussi, les plans les plus larges possible des cadavres. Les images sont prises directement sur Irak TV, pas sur Al-Jazira, le commentaire du journaliste irakien est synthétisé. Après débat, il est décidé, à l'avenir, de montrer les visages "floutés", mais "nous ne pouvons pas censurer la réalité cruelle d'une guerre, contrairement à ce qu'ont fait les Américains pour leur immense majorité", dit-on à France 3.

Les chaînes européennes. La chaîne d'information en continu Euronews a joué les francs-tireurs. "Nous avons montré les prisonniers interrogés, mais pas les cadavres filmés en gros plans", explique Luis Rivas, le directeur de la rédaction d'Euronews qui continuait, lundi 24 mars à diffuser les images en boucle. Il reconnaît avoir "repiqué" les images dès qu'elles ont été diffusées. "Je pense qu'en période de guerre tout le monde utilise tout le monde, et on ne se pose pas tellement de questions sur les droits", confie-t-il.

Rapide elle aussi, la télévision publique italienne Rai a repris les images d'Al-Jazira, n'hésitant pas dans le TG3 à faire venir le directeur pour qu'il explique les raisons de leur diffusion. La chaîne qui émet 24 heures sur 24 de la TVE (espagnole) et la télévision publique russe RTR ont également diffusé tout de suite les images. En Allemagne, elles ont été considérées comme une façon de "montrer le vrai visage de la guerre" en Irak, par la ZDF.

En Grande-Bretagne, changement d'approche. La BBC World a attendu, lundi matin, pour les diffuser. A Londres, un porte-parole rappelle la charte adoptée au début du conflit ("War guidelines"), et dit que les journalistes s'y tiennent. BBC News 24, diffusée seulement en Grande-Bretagne, a montré un court extrait, dimanche, mais "comme il y avait un doute, en dépit des déclarations de M. Rumsfeld, sur le fait que les familles des victimes aient été informées, nous avons interrompu la diffusion, le temps d'être certains qu'elles avaient bien été prévenues". Ensuite, les images, beaucoup de plans fixes, ont été diffusées de façon "non excessive et dans leur double contexte d'émission, par Irak TV et Al-Jazira". La veille, la BBC n'avait pas diffusé d'images reconnaissables de prisonniers irakiens.

Les networks américains. Lundi 24 mars au matin, le téléspectateur américain n'avait, dans sa grande majorité, ni vu les prisonniers américains, ni eu l'occasion de voir les images des victimes irakiennes des bombardements anglo-américains, à Bassora par exemple.

A l'exception de la chaîne CBS qui a décidé immédiatement, dimanche, de soumettre un extrait de la bande diffusée par Al-Jazira à M. Rumsfeld en pleine interview à l'antenne, les réseaux de télévisions, comme CNN, n'ont pas montré les visages tuméfiés des GI. L'information a été mentionnée sous forme de bandeau déroulant.

Les chaînes d'information arabes. Les temps sont à la concurrence la plus vive. Un journaliste d'Al-Jazira reconnaît, à Doha, que si la chaîne a accepté de diffuser tout de suite le document, c'était aussi pour "rattraper un retard avec la concurrence".

Entre les deux diffusions des images par la chaîne, dimanche soir, un débat a animé la rédaction. "Les avis étaient partagés, mais le débat était plus d'ordre idéologique que déontologique. Fallait-il laisser le monopole de la désinformation aux seuls Américains ou pas ?", rapporte un journaliste. La décision, ensuite, de ne plus diffuser les images fut politique. "Elle est venue de très haut", affirme un salarié, sans plus de détails.

Pendant qu'Al-Jazira diffusait les images des victimes américaines, chez Al-Arabiya c'est la consternation : "C'est bien le genre d'Al-Jazira, la chaîne qui s'est fait un nom avec des images qu'elle ne produit pas et qu'elle s'approprie", ironise un journaliste. La réaction ne se fait pas attendre : la nouvelle chaîne d'information du groupe MBC va critiquer le procédé irakien et refuse de diffuser les images. A la place, le correspondant à Bagdad décroche une interview avec un officiel irakien. Les questions ne sont pas complaisantes : "Que diriez-vous si les Américains se mettaient à montrer et à interviewer des prisonniers de guerre irakiens ?"Une heure après, changement de cap, Al-Arabiya diffuse quelques images, mais en prenant le soin de choisir un court extrait repiqué directement de la télévision irakienne, surtout pas d'Al-Jazira.

Florence Amalou et Tewfik Hakem

Le statut des prisonniers de guerre selon les conventions de Genève

Les conventions de Genève.

Adoptées en 1949, elles énoncent les règles de protection qui doivent s'appliquer dans les conflits armés aux combattants et aux non-combattants.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est le garant de ces textes.

Le statut des prisonniers de guerre est défini dans la troisième convention de Genève. Il doit être accordé a priori à tout combattant capturé. Dans le cas où les prisonniers n'appartiennent pas à une armée constituée et n'arborent pas les signes qui distinguent les combattants des civils, un tribunal indépendant doit décider si le statut peut leur être accordé. Ce n'est pas le cas en Irak, où s'opposent des armées.

Les Etats-Unis ont affirmé que c'était le cas en Afghanistan pour les talibans, mais ils ont toujours refusé de s'en remettre au jugement d'un tribunal pour les détenus de Guantanamo.

L'article 13 de la troisième convention.

Il stipule notamment que "les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité (...). Ils doivent être protégés en tout temps contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique".

"Les prisonniers de guerre ont droit en toutes circonstances au respect de leur personne et de leur honneur", dit l'article 14.

La diffusion d'images de prisonniers. Elle enfreint ces articles, estime le CICR, quand l'un ou l'autre des belligérants utilise les images pour exhiber ses prisonniers à des fins de propagande ou quand les images montrent les détenus dans une situation dégradante. Les responsables du CICR ont ainsi réagi aux images de la télévision irakienne diffusées, dimanche, par Al-Jazira, comme ils avaient réagi à certaines images des prisonniers de Guantanamo. Ils recommandent qu'aucune photo, aucun film, qui permettraient d'identifier les prisonniers dans une situation humiliante, ne soient publiés.

Les conventions de Genève n'engagent pas directement les médias, mais les Etats qui les ont signées et auxquels il appartient de les faire respecter.

Une communication irakienne en deux temps

Les officiels irakiens ont procédé en deux temps, dimanche 23 mars, pour diffuser les images des prisonniers américains : tournée par l'équipe d'Irak TV, une première version, longue et jugée "complaisante" par les autres télévisions, a d'abord été enregistrée sur une cassette transmise à Al-Jazira, à Bagdad, qui l'a diffusée intégralement une première fois vers 16 h 30, heure de Paris. On y voit de larges plans des cadavres ainsi que les interviews des prisonniers blessés dont on entend les réponses. Dans un second temps, la télévision irakienne, qui émet par satellite (pour un public étranger), a diffusé une deuxième version, avec des images coupées et remontées, sans la bande sonore originale. A la place de la voix des prisonniers, un commentaire citant la convention de Genève est diffusé. Cette opération à double détente a ainsi permis à l'Irak d'affirmer qu'il respectait les obligations de réserve dues aux prisonniers de guerre, tout en bénéficiant de la diffusion massive d'Al-Jazira.

 

A demain